Ad Astra - Scipion l'Africain & Hannibal Barca

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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Ad Astra - Scipion l'Africain & Hannibal Barca

Message non lu par Koiwai » 24 juin 2014, 14:30

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La fiche sur le site


Tome 1 :

Trois siècles avant notre ère, Rome continue d'étendre son territoire vers le sud, mais se confronte depuis déjà une vingtaine d'année à la solidité de l'armée carthaginoise, emmenée par Hamilcar Barca. Mais la lutte finit par tourner à l'avantage de la République Romaine quand, en -241 en Sicile, celle-ci parvient à prendre le dessus sur son ennemi Hamilcar, sous le syeux de son propre fils, le jeune Hannibal, six ans. Marqué à vie par le spectacle de cette guerre, l'enfant entretient pour Rome une haine farouche jusqu'à atteindre l'âge adulte et à prendre les commandes de l'armée carthaginoise, avec laquelle il est bien décidé à marcher sur la République. Ses premiers grands pas vers son objectif marqueront sa rencontre avec celui qui sera son plus brillant ennemi : Scipion l'Africain, contre lequel il mènera l'une des plus grandes batailles stratégiques de l'Histoire.

Surfant sur leur nouvelle veine de séries à vocation historique, les éditions Ki-oon ont profité du Salon du Livre 2014 pour lancer Ad Astra, non sans comparer cette série par certains égards à Cesare, le plus historique des mangas de l'éditeur. Il faut toutefois arrêter la comparaison ici, car là où Cesare a réellement une vocation historique poussée et détaillée, Ad Astra, comme l'avoue dans sa postface le jeune auteur Mihachi Kagano, a pour fonction première le divertissement et ne s'applique pas forcément à retranscrire avec précision et fidélité totale le conflit qui a animé la 2nde Guerre Punique. Si les grands faits sont respectés, à l'image de la très célèbre traversée des Alpes à dos d'éléphant, en fouinant plus en détails on peut dénicher nombre d'approximations et de petits raccourcis, ce dont l'auteur, humble, ne se cache absolument pas.

Les qualités ne seront donc pas à chercher du côté de la retranscription historique, mais plutôt dans le focus porté sur les deux importants personnages historiques que l'auteur reprend : Hannibal Barca du côté de Carthage, et Scipion l'Africain du côté de Rome. Deux des plus grands stratèges de l'histoire de l'humanité, qui furent amenés à s'opposer par la force des choses. Deux figures que Mihachi Kagano s'applique à bien mettre en place et à rendre très charismatiques dans ce premier volume qui en fait toutefois un peu trop dans sa première partie. En effet, cette première partie insiste, presque lourdement, sur les qualités qui ont animé ces deux grandes figures dès leurs plus jeunes années.
Du côté de Scipion, on assiste avec intérêt à quelques tours de passe-passe et quelques aisances oratoires qui confirment la brillance de son esprit, mais on pourra rester un peu irrité par son côté un peu trop poseur et par la façon dont beaucoup de monde s'émerveille déjà sur lui.
C'est pire du côté de Hannibal, qui, dès ses premières années de vie, bluffe tout le monde, notamment dans un passage où, à seulement six ans, il analyse à la perfection et dans un vocabulaire très adulte et impeccable une situation de conflit très délicate. Ces capacités, il les doit à son statut quasiment divin, l'auteur choisissant de concrétiser le mythe selon lequel Hannibal serait un "héritier" du dieu Baal (d'où son nom). Cela pourra paraître too much à certains, mais cela a le mérite d'accentuer le charisme presque fascinant du personnage, en plus de laisser entrevoir l'importance que pouvaient avoir, à cette époque, les mythes liés aux divinités.

Si ces débuts assez exagérés vous rebutent, on vous conseille toutefois de poursuivre votre lecture, cet aspect s'estompant assez rapidement et n'ayant en réalité servi qu'à poser avec force les deux personnages centraux de la série.
Suite à cela, la série commence alors réellement à entrer dans le vif du sujet, Hannibal se mettant en route pour aller marcher sur Rome, non sans démontrer sur son chemin tous ses talents. Il y a la célèbre traversée des Alpes en éléphant, bien sûr, mais également une belle mise en valeur du sens oratoires de Hannibal qui parvient à se faire des alliés gaulois, et une première bataille où une habile ruse lui permet de piétiner ses adversaires.
En face, Scipion est encore assez discret, mais dévoile déjà tout son sens stratégiques en réussissant à percer à jour certaines stratégies de son adversaire. Pour se dévoiler pleinement, il lui faudra sans doute assister à un bouleversement aussi fort que celui qu'a vécu Hannibal à six ans. Et ce bouleversement prend forme à la fin de ce premier tome, ce qui annonce forcément une suite du tonnerre.

Pour son tout premier manga, Mihachi Kagano offre un rendu visuel bourré de promesses. On peut noter pas mal de petites erreurs de jeunesse, des petites irrégularités et choses un peu lisses (comme les visages de profil), mais son trait, surtout au niveau des visages, des barbes et des animaux, se veut déjà assez dense, parfois presque photoréaliste sur les expressions faciales, et laisse penser qu'une grosse marge de progression est possible. En tout cas, pour une première série, ca tend à taper vers le haut du panier.
Par contre, si vous vous attendez à du grand divertissement d'action, pour l'heure il faudra prendre son mal en patience. Les choses passent avant tout par les dialogues, par les confrontations oratoires des personnages et par leurs interrogations sur les stratégies de l'ennemi. l'action est donc pour l'instant limitée à quelques scènes courtes, bien découpées mais pas spécialement intenses.

Ce premier tome pose des bases solides, certes un peu maladroitement, mais avec force, en annonçant du très bon pour la suite. La rencontre entre des Hannibal et Scipion encore jeunes venant à peine d'avoir lieu, leur véritable opposition ne devrait commencer réellement que dans le prochain volume, ce qui laisse présager une suite autrement plus intense !

Comme toujours, l'édition de Ki-oon est impeccable : première page en couleur, excellente traduction... et la postface humble et passionnée de l'auteur confirme qu'on a là une série à surveiller.
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Re: Ad Astra - Scipion l'Afraicain & Hannibal Barca

Message non lu par Koiwai » 29 juin 2014, 09:21

Tome 2 :

Sous l'égide de leur nouveau commandant Hannibal, fils d'Hamilcar, Rome commence à nouveau à trembler. Cherchant à contrer l'avancée carthaginoise en prenant la direction de Massilia, les troupes de Publius Cornelius Scipion sont prises de vitesse par Hannibal, qui, contre toute attente et aidé par des guides qu'il a réussi à ranger de son côté, a pu traverser les Alpes. L'ennemi s'approche alors dangereusement de Rome, et les légions romaines partent à sa rencontre sur les rives du Tessin. Mais Rome n'a pas encore conscience de tout le danger que représentent les troupes de Hannibal, et se fait écraser par la stratégie du général carthaginois, au cours d'une bataille dont Publius Cornelius Scipion, sauvé de justesse par son fils, ressort toutefois blessé.
Rome a à présent conscience du danger, et doit à tout prix stopper la progression carthaginoise. Loin des troupes peu organisées du Tessin, c'est une armée beaucoup plus solide, l'armée régulière, qui est envoyée au front devant la Trébie. Pour remplacer Publius Cornelius Scipion qui est convalescent, c'est Tiberius Sempronius Longus qui pend la tête des troupes. L'homme est ambitieux, mais son ambition pourrait bien se retourner contre lui et ses hommes, car en face Hannibal a mis au point une nouvelle stratégie implacable...

Après une première bataille qui donnait déjà une bonne idée de l'importance stratégique et de la violence de la confrontation s'annonçant entre Rome et Carthage, ce deuxième volume intensifie les choses avec une nouvelle bataille autrement plus organisée, plus sanglante encore, et plus longue puisqu'elle occupe l'essentiel du tome. Emmenée par Tiberius Sempronius Longus, homme impulsif, agressif et ambitieux mais néanmoins très bon meneur d'hommes, l'armée romaine, bien plus impressionnante qu'au bord du Tessin, avance avec confiance pour réduire à néant la menace carthaginoise, sans se douter de la stratégie de Hannibal qui est sur le point de se refermer sur elle...
Mihachi Kagano nous plonge avec beaucoup de talent dans cette nouvelle bataille, et nous montre très bien les différentes étapes de la stratégie de Hannibal, qui va retourner en sa faveur une situation délicate face à l'a redoutable armée régulière romaine. Cela passe plusieurs étapes, que l'auteur amène avec une grande clarté : provocation des hommes romains, passage par le fleuve glacial pour réduire la combattivité des fantassins, entrée en jeu des frondeurs puis des éléphants, encerclement... chaque étape est mise en scène avec force, et le trait du mangaka gagne déjà en précision. Le rendu s'avère assez profond, les petits couacs graphiques du tome 1 s'amenuisent déjà, et certaines doubles pages sont particulièrement impressionnantes en nous présentant de larges vues sur les armées ou quelques phases importantes de la bataille. Kagano nous immerge au plus près de la bataille, et le résultat et dense et immersif.
La bataille est également l'occasion de voir un peu plus certains personnages secondaires, des hommes qui auront probablement un rôle important à jouer. Chez les hommes de Hannibal on note le bras droit Silenos, Magon le frère de Hannibal, ou encore Maharbal, fier guerrier redoutable, sans pitié et plutôt impétueux. Du côté des Romains, le camarade de Scipion l'Africain Marcus reste encore discret, mais Caius prend un petit peu plus d'importance en jouant un rôle crucial après sa capture par Carthage.

Malgré l'intensité du récit, il reste néanmoins quelques couacs, à commencer par la facilité de certains rebondissements. On peut franchement se demander comment Caius, qui était encore un ennemi de Carthage peu de temps auparavant, peu se retrouver si facilement seul, ayant tout le loisir d'entendre certaines stratégies carthaginoises puis s'échappant sans gros problème par la suite. Sans oublier la petite note d'humour autour du bon esprit et du mauvais esprit qui l'animent, qui fait un peu tache dans le contexte sérieux... Il reste également une petite déception vis-à-vis de la stratégie grossière mise au point par Scipion pour sauver ce qui peut l'être : la façon dont il met au point rapidement ce petit subterfuge est séduisante, mais la base repose sur un petit rebondissement très facile. Quoi qu'il en soit, cela affine encore un peu plus la future confrontation entre les deux grands héros de la série, puisqu'après l'intérêt pour Hannibal de Scipion qui a compris d'emblée toute la dangerosité de ce subtil ennemi, c'est au tour du général carthaginois de remarquer qu'il existe, dans la horde d'ennemis romains, un être peut-être capable d'égaler sa ruse.
Enfin, il y a de quoi être un peu irrité par la tendance de certains personnages à être trop poseurs, que ce soit pendant la bataille après celle-ci lors du conseil du Sénat. Conseil qui, par ailleurs, s'avère très intéressant, puisqu'il faut à tout prix trouver un moyen de mettre de côté les embrouilles personnelles des hauts placés romains, et que pour ce faire, il ne faut pas hésiter à faire quelques sacrifices, comme l'a bien compris le dénommé Maximus...

Avec une bataille clairement plus intense que la première et un contexte très bien expliqué, ce deuxième tome d'Ad Astra peaufine la série et le style de Mihachi kagano, auteur qui, pour une première série, bluffe déjà. La suite promet d'être très intéressante.
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Re: Ad Astra - Scipion l'Afraicain & Hannibal Barca

Message non lu par Koiwai » 23 sept. 2014, 07:43

Tome 3 :

Caius Flaminius Nepos a été à son tour vaincu, et la situation devient suffisamment critique pour que le Sénat, face à un adversaire qu'il n'attendait pas si fort et malin, prenne une mesure exceptionnelle en nommant Fabius dictateur. Ce vieil homme issu de la noblesse a largement fait ses preuves, mais sa stratégie risque fort de décontenancer certains combattants : selon lui, vaincre l'armée de Hannibal signifie d'abord éviter toute confrontation directe avec lui. Grâce à un espion envoyé au sien de l'armée de Hannibal, Fabius parvient à isoler l'adversaire dans les plaines de Campanie, d'où il ne peut plus fuir. Cela semble être l'occasion idéale pour encercler Hannibal, mais Fabius préfère éviter cette armée puissante, et met en place une guerre d'usure...

S'il y a toujours quelques petites facilités dans le récit (par exemple, on se demande pourquoi Hannibal et ses sbires font si facilement confiance à ce devin-espion) et quelques chutes visuelles (certains visages sont vraiment trop inexpressifs et figés, notamment Hamilcar quand il s'excite devant les vaches), le travail effectué par Mihachi Kagano reste pourtant un régal tant l'auteur se veut minutieux. Ses planches sont généralement portées par une certaine densité et par des figures marquées (le physique du vieux Fabius, par exemple, est excellent), mais c'est surtout le sens du détail dans les stratégies développées qui séduit, de même que ce qui en découle.
Face à l'armée de Hannibal, on prend plaisir à suivre a mise en place d'une guerre d'usure de Fabius, qui choisit une tactique radicalement différente de celles de ses prédécesseurs... au risque de frustrer les plus vaillants combattants, dont Minutius, guerrier privilégiant la lutte directe sur les stratégies de Fabius qui juge lâches. Notamment à travers des dialogues travaillés, on ressent bien la façon dont Fabius est prêt à sacrifier des soldats ainsi que sa propre réputation pour sauver sa patrie, mais à force de prendre sur lui et de ne pas agir directement, le noble voit peu à peu se retourner contre lui une partie des hommes sous ses ordres, emmenés par Minutius. Uniquement observateur dans ce tome, Scipion se rend bien compte des faiblesses que représente une armée divisée. Et il n'est pas le seul apte à entrevoir ces faiblesses : dans le camp de Carthage, Hannibal met au point un plan aussi fou que monstrueux, sorte de dernière chance pour quitter les plaines en exploitant certaines divisions et peurs mythologiques romaines. L'auteur en profite alors pour reprendre avec clarté et intensité la légende des boeufs de la bataille de Callicula, et nous régale à nouveau en nous plongeant avant tout dans les conflits stratégiques, qui prennent largement le dessus sur les scènes de bataille et d'action.

Au bout du compte, un nouveau coup dur attend Rome, toujours plus divisée intérieurement, que ce soit chez ceux qui dirigent le pays (l'opposition de styles entre Fabius et Minutius augure des divisions affaiblissant Rome), ou un cran en dessous avec les Plébéiens montrant de plus en plus leur mécontentement face aux Patriciens. Il faudra toutefois également supporter à nouveau les petites frasques d'un Caius un peu trop ridicule et sur lequel l'auteur manque de subtilité.

Mihachi Kagano n'oublie rien (pas même d'évoquer la perte de l'oeil de Hannibal), et, plutôt que de se perdre dans l'action, préfère clairement approfondir les stratégies utilisées et leurs conséquences. Il y a beau y avoir quelques petites imperfections, c'est dense et d'une limpidité exemplaire, et seul Scipion manque toujours un peu à la fête.
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Re: Ad Astra - Scipion l'Afraicain & Hannibal Barca

Message non lu par Koiwai » 12 déc. 2014, 08:41

Tome 4 :

La stratégie de guerre d'usure de Fabius a échoué, la faute aux mutineries internes emmenées par le chef de cavalerie Minucius, un Plébéien reprochant au vieux Patricien d'être lâche en n'attaquant pas directement l'ennemi. Dans la plaine de Campanie où il était encerclé, Hannibal profite alors de la faille romaine pour s'échapper, grâce à un impressionnant stratagème improvisé.
De retour à Rome, le dictateur Fabius perd une partie de la confiance qui lui avait été accordée, et ses pouvoirs sont transférés à Minucius, qui, pendant ce temps, est parvenu à remporté une victoire sur un détachement ennemi.
Marcus Minucius Rufus est donc le nouveau dictateur, et sa façon de combattre est radicalement différente de celle de Fabius. Fougueux et enorgueilli par sa récente victoire, il décide, en compagnie de troupes où l'on retrouve Caius, d'attaquer directement et sans réelle stratégie des troupes de Hannibal visiblement esseulées sur les collines. Il pense le chef carthaginois moins impressionnant qu'on ne le dit, et ne fait que peu de cas de ses sbires tel Giscon, qui s'est enfui sous ses yeux peu de temps avant. Il va tomber de haut. Car près des collines, Hannibal est en train de mettre au point sa nouvelle stratégie, une embuscade utilisant de la meilleure des manières le terrain. Et s'ils ne sont pas aidés, Minucius et ses troupes risquent fort de ne pas s'en sortir...

Sous-estimant l'ennemi, Minucius, sans le savoir, fonce droit dans le piège d'un Hannibal qui, une nouvelle fois, impressionne tant il avait tout prévu, de la réaction du fougueux Minucius après sa récente "victoire" jusqu'à l'utilisation brillante du terrain. Esprit fin et observateur, le général carthaginois est une nouvelle fois celui qui perce les pages.
Forcément, dans cette bataille directe, l'action est bien présente et est superbement rendue par un auteur qui ne cesse de s'améliorer. Ses visages sont de plus en plus travaillés, profonds et juste, et accentuent à merveille les attaques. De même, les fonds, avec paysages et troupes, sont suffisamment travaillés pour apporter un belle profondeur de champ et rendre le tout encore plus immersif. Le sang coule, évidemment, mais Mihachi Kagano a le mérite de ne pas en faire trop, et si quelques membres se retrouvent découpés ou transpercés, c'est avant tout pour montrer avec réalisme la violence de la bataille.

Cette bataille, comme toujours dans la série, repose avant tout sur l'aspect stratégique, que l'auteur dépeint toujours très bien. Face aux frondeurs présents dans les rangs carthaginois, les troupes de Minucius adoptent une formation qui se veut travaillée, avec fantassins en formation de la tortue. Une formation apte à se protéger des tirs lointains venant de face... mais qu'en sera-t-il face à une attaque-surprise venant des côtés ?
Dans le feu de l'action, certains visages sont amenés à s'illustrer un peu plus, à commencer par Giscon, téméraire guerrier qui a un compte à régler avec Minucius...
Egalement, le travail sur les personnages n'a jamais été si intéressant. Les différences de statut entre fantassins à pieds et cavaliers confirment les divisions persistantes entre les Plébeiens issus du peuple et les nobles Patriciens. Et tandis que l'on appréhende un peu mieux l'amitié mise en difficulté entre le Patricien Scipion et le Plébéien Caius (toujours un peu gonflant dans son idiotie, mais un peu moins qu'avant), l'occasion nous est donnée de découvrir les origines de la haine de Minucius pour les Patriciens. Une origine basée sur une amitié brisée, mais qu'il est peut-être possible de reconstruire. Et un bref focus permettant de mieux cerner le nouveau dictateur, qui, bien que fougueux et inconscient du danger, a le mérite de s'être hissé dans les hautes sphères de Rome avec beaucoup de ténacité et de courage.

Scipion, lui, reste encore discret, tout au plus est-il mis en valeur dans ses talents d'orateur face à Fabius et dans sa relation avec Aemilia, mais cela n'empêche pas le tome d'être excellent. La fin du volume enclenche de nouveaux problèmes, et laisse doucement deviner l'arrivée de l'une des plus importantes batailles de la 2nde Guerre Punique, la Bataille de Cannes, qui promet d'être passionnante...
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Re: Ad Astra - Scipion l'Afraicain & Hannibal Barca

Message non lu par Koiwai » 07 avr. 2015, 13:08

Tome 5 :

Défait à Gerunium, Minucius ne doit son salut qu'à l'intervention de Fabius, en qui il jure désormais une fidélité sans failles. Mais cette nouvelle défaite entraîne l'arrivée de deux nouveaux dirigeant : Aemilius et Varron. Le premier, futur beau-père de Scipion, et modéré et préfère suivre les conseils avisés de Fabius. Mais il risque d'avoir du mal à contenir les velléités de Varron, va-t-en-guerre qui a le soutien du peuple grâce à une certaine démagogie et à l'agitateur Aulus.

C'est dans ce nouveau contexte tendu que se prépare la prochaine bataille. Faisant route vers Cannes, grenier à provisions de Rome, les troupes d'Hannibal sont devancées, et chacun des deux camps prépare alors sa stratégie pour ce qui deviendra la plus importante bataille de la 2nde Guerre Punique et l'une des plus grandes batailles de l'Histoire, modèle de stratégie qui a définitivement placé Hannibal parmi les plus grands...

Avant d'entrer dans le vif de la Bataille de Cannes, Mihachi Kagano, comme toujours, prend soin de bien contextualiser les choses pour rendre son récit toujours plus immersif. En plus de nous présenter la délicatesse d'une armée dirigée par deux consuls opposés, l'auteur croque en Varron un homme aussi prétentieux que hautain, n'hésitant pas à faire douter son homologue. Quant à Aemilius, justement, ses interrogations quant à la voie à suivre sont très bien exposées. Mais en Minucius, il pourra compter sur un allié de choix.

L'avant-bataille est également l'occasion pour nos deux principaux personnages de dévoiler encore un peu plus leur talent. Scipion commence à percer le secret des stratégies de Hannibal... à moins que Hannibal n'ait un coup d'avance et ne cherche à brouiller les pistes ? La confrontation à distance entre ces deux-là s'intensifie encore un peu plus. Il est aussi appréciable de voir Kagano s'appliquer autant sur les détails, que ce soit dans les chiffres, dans les explications stratégiques ou dans l'apparition de personnages secondaires ayant peut-être vraiment existé (tel le colossal Bandius, évoqué dans les récits de Plutarque).

Mais c'est dans la deuxième moitié du tome que la bataille prend toute son ampleur, les camps se mettant enfin en route pour appliquer leur stratégie. Comme toujours, Kagano livre des vues sur les troupes saisissantes et des scènes de bataille époustouflantes, sans doute plus violentes que jamais dans les coups au corps à corps, et le mangaka ponctue toujours les choses de limpides explications stratégiques, notamment sur l'habile plan d'Hannibal avec sa formation en arc de cercle et son utilisation du vent. Les principaux personnages, eux, sont brillamment mis en valeur quand il le faut, que ce soit lors de scènes dramatiques ou de reconsidérations stratégiques. On retient notamment les choix des deux consuls...

L'immersion est totale dans cette bataille que l'on sait perdue d'avance pour les Romains, et la suite de ce grand moment d'Histoire stratégique promet d'être encore plus passionnante !
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Re: Ad Astra - Scipion l'Africain & Hannibal Barca

Message non lu par Koiwai » 23 juin 2015, 13:04

Tome 6 :

Malgré les mises en garde d'Aemilius, Varron a choisi de rester fidèle à sa stratégie... Mais quand Hannibal, qui a toujours un coup d'avance, finit par prendre le dessus, le Consul romain est le premier à prendre la fuite et à laisser tous ses hommes dans le chaos ! La formation romaine qui visait à percer l'armée carthaginoise en son centre se retour contre elle, et l'ennemi, pourtant en nette infériorité numérique, prend le dessus dans la suite et fin de cette bataille qui ne peut désormais plus que se terminer par la défaite romaine.

Et quelle défaite ! Entre les mains de Mihachi Kagano, l'une des plus brillantes manoeuvres stratégique de toute l'Histoire est décortiquée avec force et violence. Tandis que le combat fait rage sous son trait dense et brutal, le mangaka parvient habilement à souligner, à nouveau, toute la force stratégique de Hannibal, et s'applique également à faire ressortir les relations de certains protagonistes. En tête, l'amitié retrouvée entre Aemilius et Minucius qui sont prêts à se sacrifier l'un pour l'autre (classique, mais efficace), mais aussi la rivalité forte de Minucius et du carthaginois Magon, ce qui n'empêche aucunement ce dernier de savoir reconnaître la bravoure et l'honneur de ses adversaires. On reste cela dit dans un affrontement qui, comme toute guerre, est sale, sanglant, sans foi ni loi, n'épargne rien... et peut réduire à néant les actes de bravoure, Minucius en étant la plus forte preuve.

Ainsi la Bataille de Cannes arrive-t-elle à son terme un peu avant la moitié du tome, et Kagano s'applique à en faire ressortir toute l'importance, car après celle-ci plus rien ne sera comme avant. La toute puissance romaine est désormais clairement brisée au point que même le peuple en a conscience et a peur. Les morts importantes fusent, et chacun des deux camps évolue forcément.
Côté romain, on retrouve un Scipion tourmenté par son incapacité à sauver ses camarades, ce qui ne fait que consolider en lui un désir profond, celui de prendre un jour les commandes dans la guerre contre Hannibal. Et cela devra commencer par un exil en Sicile, aux côtés d'un certain Marcellus, l'un des plus célèbres généraux de cette Guerre Punique, présenté comme un combattant aussi puissant que violent et intransigeant...
Et côté carthaginois, on appréciera la dignité de guerrier de Magon ainsi que les égards de Hannibal pour les vaincus qui ne sont pas romains. Des comportements qui viennent contraster avec ceux d'un autre personnage : Maharbal, le chef numide largement plus enclin à faire régner partout la violence, qui est pour lui le principal intérêt de la guerre... Cela amène dans la deuxième partie du volume la naissance d'une haine profonde et d'un fort désir de vengeance d'un combattant romain que l'on pensait mort, au fil d'un passage qui, avouons-le, n'est guère passionnant : trop basique, malgré la cruauté profonde qui s'en dégage. Cela dit, on attend avec impatience de voir ce qui en découlera...
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Re: Ad Astra - Scipion l'Africain & Hannibal Barca

Message non lu par Koiwai » 30 sept. 2015, 08:45

Tome 7 :

Le désastre de la Bataille de Cannes a enfin éveillé en Scipion de nettes ambitions... mais pour pouvoir s'imposer parmi les siens, il doit d'abord composer avec son nouveau supérieur hiérarchique, le célèbre Marcellus, réputé pour sa puissance colossale !

En Campanie, la situation devient critique pour les Romains. Tandis que Naples refuse encore de céder aux troupes carthaginoise, la cité de Capoue, par contre, a accepté de se ranger du côté de Hannibal. Reste la cité de Nola, la ville du colosse Bandius que Hannibal a tâché d'amadouer à l'issue de la Bataille de Cannes. C'est avec la détermination de ranger la ville de son côté que le général carthaginois et ses troupes partent alors pour Nola. Mais la cité est aussi le lieu de destination des troupes de Marcellus, décidées à regagner la confiance de Bandius et de la cité et à protéger celle-ci !

Ce septième volume est le théâtre de la première Bataille de Nola, cité que Hannibal ne parviendra jamais à conquérir malgré trois tentatives. Cet affrontement mineur arriva historiquement à une période cruciale, où, après la successions de défaites romaines, les cités de Campanie ne savaient plus vraiment dans quel camp se ranger... La première Bataille de Nola fut donc l'occasion pour Rome de démontrer qu'elle pouvait encore remporter des batailles, et ainsi regagner quelque peu la confiance de certaines cités alliées.

Dans le manga de Mihachi Kagano, cela se traduit par un combat assez bref, mais intéressant sur bien des points, puisqu'il nous permet enfin de cerner toute la carrure au combat du brutal Marcellus, mais également de voir un certain talent chez lui pour reconquérir la confiance du colossal Bandius. Ainsi voit-on que Marcellus n'a aucunement volé sa réputation. Mais le point le plus intéressant reste le rôle de Scipion à ses côtés. Le jeune romain, bien plus fin que son supérieur, a évidemment du mal à composer avec cet homme très impulsif et impétueux. Il lui faudra trouver les bons mots pour convaincre Marcellus de ne pas se jeter trop vite dans la bataille, chose que Hannibal attend. Et l'alliance ainsi faite entre la force brute de Marcellus et les talents naissants de Scipion pour la stratégie créera un véritable danger dont Hannibal ne peut que prendre conscience.

Dans cette bataille, nous voyons donc enfin Hannibal en position de faiblesse, car il n'a pu anticiper la stratégie d'un Scipion encore méconnu. Mais l'affaiblissement, du général carthaginois ne vient pas uniquement de là : dans ses rangs, Giscon n'est toujours pas revenu de Carthage avec les renforts attendus, et, surtout, le chef numide Maharbal s'impatiente toujours plus... On découvre avec beaucoup d'intérêt ces délicates situations, très clairement rendue par le mangaka, jusqu'à une fin de volume prometteuse.

En parallèle, d'autres éléments entretiennent eux aussi une certaine attente. Autour de Caius Laelius, bien sûr, désireux de se venger de Maharbal. Mais aussi du côté du roi de Macédoine Philippe V...
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Re: Ad Astra - Scipion l'Africain & Hannibal Barca

Message non lu par Koiwai » 01 mars 2016, 15:09

Tome 8 :

Les troupes du général Marcellus sont solidement regroupées au sein de la cité de Nola suite à une importante victoire sur les troupes d'Hannibal pendant laquelle la finesse d'esprit de Scipion et la force du général se sont bien complétées. Hannibal vient de connaître sa première défaite depuis longtemps, et la situation devient de plus en plus délicate à gérer concernant le chef numide Maharbal, qui ne supporte plus la passivité du général carthaginois. Qu'à cela ne tienne : Hannibal décide de laisser Maharbal mener sa propre bataille contre les troupes de Marcellus, et qui sait, peut-être que le numide parviendra à mettre en péril le camp romain...

Toute la première moitié du volume nous plonge au coeur de la deuxième bataille de Nola, et l'on peut dire que Mihachi Kagano passionne une nouvelle fois en préparant parfaitement les enjeux et stratégies de ce deuxième conflit. Qu'adviendra-t-il de la relation entre Hannibal et Maharbal si ce dernier parvient à remporter la victoire ? Les troupes romaines ont-elles la moindre chance face à un technique d'encerclement emmenée par les très mobiles cavaliers numides et soutenue par les fantassins gaulois ou les frondeurs ? La tâche s'annonce d'autant plus délicate pour les soldats romains que l'impétueux Marcellus refuse d'écouter les tactiques de Scipion, notamment concernant l'impuissance des lanciers pas assez mobiles face aux cavaliers ennemis. Epaulé par Caius et Marcus, Scipion devra alors se charger de mener lui-même un plan parallèlement à la bataille, sans en informer le général... Et l'ensemble, en plus d'être d'un clarté exemplaire dans les différentes explications stratégiques, est également passionnant non seulement pour la richesse d'un trait qui renoue avec toute sa densité et sa violence, mais aussi pour la quête personnelle qui se dessine à travers un Caius déterminé à se venger de Maharbal. Pour le coup, le mangaka s'éloigne un peu plus que d'habitude des faits historiques relatés dans les écrits de Tite-Live en relatant ce conflit personnel entre Caius et Maharbal, mais le résultat est bien là : impossible de lâcher la lecture avant de connaître l'issue de l'affrontement !

La troisième Bataille de Nola de 214 avant Jésus-Christ, quant à elle, ne sera visiblement pas narrée par le mangaka, et ce n'est probablement pas un mal puisqu'elle se solde pas une troisième et dernière défaite carthaginoise dans la tentative de conquête de cette cité. En effet, la suite du volume nous amène directement en -212, au coeur de nouveaux problèmes liés à l'emblématique ville sicilienne de Syracuse, idéalement située entre Rome et Carthage, et étant alors un enjeu de taille pour la logistique de Carthage. Autrefois alliée de Rome, la cité est passée entre les mains de deux frères carthaginois après la mort du roi de la ville, et les troupes de Marcellus ont alors pour mission de reconquérir la cité. Mais une fois sur place, les Romains doivent faire face à un danger aussi impressionnant qu'inattendu : les redoutables machines de défense inventées par un inventeur et mathématicien de génie ayant laissé son nom dans l'Histoire : Archimède ! Pour parvenir à neutraliser cette menace, il faudrait réussir à s'infiltrer dans la cité, et Scipion pense avoir trouvé le bon moyen en se faisant passer pour un envoyé du prince Philippe de Macédoine, alors allié à Carthage...

Plus calme, la deuxième moitié du tome n'en reste pas moins captivant,e en ceci qu'elle permet une immersion réussie dans la cité de Syracuse, à la découverte de ses incroyables machines de défense et du vieil homme qui les a confectionnées. Et aux côtés de Scipion, on découvre un Archimède délicieux dans ses aspects un peu décalés par instants, mais aussi dans son esprit aiguisé et dans son souhait de ne pas prendre parti dans un conflit où il voit d'un mauvais oeil les deux frères carthaginois et souhaite avant tout le bien de sa cité. Mihachi Kagano parvient à dépeindre le brillant inventeur de façon suffisamment nuancée pour le rendre unique, et la richesse de sa rencontre et de ses discussions avec Scipion entretient très efficacement la qualité de la lecture.

Ad Astra s'offre ainsi un huitième volume de haute volée, annonçant du très bon pour la suite de cette partie axée sur Syracuse et Archimède.
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