Nombre de volumes au Japon : 22 (série terminée - Shogakukan)
Nombre de volumes en France : 22 (série terminée - Panini Manga)
Genre : Thriller de science-fiction mangaphile!
L'histoire :
1997, Kenji dirige un convini* et porte constamment sur le dos le bébé que sa soeur lui a confié avant de disparaître mystérieusement. La mort d’un ami d’enfance va réunir la bande de copains qui, lorsqu’ils avaient dix ans, construisaient le monde avec des yeux d’enfants. Ami, le gourou d’une secte, va croiser le chemin de nos amis sans raison apparente... mais pourtant il semble être en étroite relation avec leur passé.
Source : Manga-News
*convini : pour ceux qui ne le sauraient pas encore, supérette ouverte 24h/24.
Avant il y avait Monster :
Fort du succès de son thriller, Monster, Urasawa entame un peu avant la fin de celle-ci, une nouvelle série, et c'est une série des plus passionnante.
Imaginez que le meurtre d'un de vos ami d'enfance vous conduise à devoir vous souvenir de toutes les bêtises de votre jeunesse. Qui étaient vos amis quand vous aviez dix ans? Que sont-ils devenus? Pourquoi aviez-vous une « base secrète »? Où se trouvait-elle? Vous rappelez vous de vos jeux imitant les bandes-dessinées de votre enfance? Quel est ce symbole? Pourquoi aviez-vous écrit un « cahier de prédictions »? Que contenait-il? Dépêchez-vous de vous souvenir car l'avenir du monde est en jeu!!
Graphiquement, on retrouve le trait réaliste de l'auteur, détaillé mais restant toujours clair et agréable. Chaque personnage a un visage propre que l'on reconnaît facilement à travers le temps.
Car l'histoire nous fait traverser les époques : 1969, 1997, 2000, 2014, 2017... L'auteur met en place son histoire en faisant appel à la technique des flashbacks, qu'il maîtrise parfaitement, on y verra la jeunesse des protagonistes et les répercussions sur « leur présent », notre futur.
Les personnages sont charismatiques et attachants, voire ubuesques pour certains (Ami, quelquesoit l'époque!).
Au fil des tomes, l'intrigue multiplie les mystères et certains lecteurs inattentifs pourront se sentir perdus, une relecture n'est alors pas dénuée d'intérêt, et permet de remarquer certains détails passés inaperçus la première fois. Ce qui montre bien que l'histoire était déjà très travaillée à la base.
Mais l'intrigue n'est pas aussi tordue que l'on pourrait croire, il est d'ailleurs très facile de découvrir qui est « Ami » dans la première partie de l'histoire, avant que Kanna n'arrive sur le devant de la scène. Même si l'auteur distille des faits qui conduisent à en douter, justement pour tromper les lecteurs les plus perspicaces (commeuh moah).
Restons simple devant tant de complexité :
Comment parler d'un titre aussi dense que celui-ci en évitant de dévoiler certains passages de l'histoire? Tâche difficile, j'ai donc choisi de rester très vague sur l'intrigue et d'accentuer mon point de vue sur l'environnement de l'oeuvre.
On retrouve un thème déjà abordé dans Monster, celui de l'enfant qui n'a rien d'innocent. Les manipulations des personnes et des faits sont encore à l'ordre du jour, mais poussées à leur paroxysme, à l'échelle mondiale, voire « interplanétaire »! Et aucun lecteur n'oubliera la bibliothèque manga d'un certain petit garçon...
Là où Monster abordait le thème du Nazisme, 20th nous parle de secte millénariste (le « parti de l'Amitié ») et d'armes biologiques. Référence, sans doute, à la secte Aum responsable de l'attentat meurtrier au gaz sarin dans le métro japonais. Mais aussi de la conquête de l'espace, en nous faisant (re)vivre le premier pas de l'homme sur la Lune.
Mais la série est aussi une critique nostalgique des années 60-70 : celles de la jeunesse de l'auteur, né en 1960, il a alors quasiment le même âge que Kenji au moment où Neil Armstrong pose le pied sur la lune. On y trouve de multiples références au Tokyo de cette période, qui n'est alors pas la forteresse de béton d'aujourd'hui, ainsi qu'à la production manga de cette époque : références aux mangas sur le catch, très prolixe à l'époque, ancêtres des shônens « baston » d'aujourd'hui (mais aussi à Great Inoki, célèbre catcheur japonais), aux séries sur les robots géants « à la Goldorak », à « Ashita no Joe »...
La présence de Mangakas dans la série ne fait que confirmer ce fait : le duo d'auteurs signant sous un unique nom de plume fait référence à Fujiko F. Fujio, duo d'auteurs dont l'oeuvre la plus célèbre reste Doraemon, mais également à Tezuka, de par leur tenue vestimentaire (le béret basque que seul Tezuka portait!).
L'exposition universelle d'Osaka de 1970, qui a vraiment eu lieu, et passage important du manga, contribue à ancrer la série dans le réel et à lui donner plus de poids. De même que la « Luciole des Mers » bâtiment flottant dans le port de Tokyo, devenu une prison politique dans le « futur » de notre manga, est un centre commercial se trouvant réellement à Tokyo!!
« 20th Century Boys » est aussi une chanson de T-Rex, groupe de rock des années 60-70. Titre dont l'écoute à certains moments clés de la série (où il est évoqué), donne une dimension supplémentaire à l'histoire. D'ailleurs Kenji est aussi un rocker, un samouraï des temps modernes qui a remplacé son sabre par une guitare, et dont l'arme est une chanson nostalgique, sa chanson, « Bob Lennon », hommage à John Lennon et Bob Dylan. Chanson enregistrée réellement pour la série et que l'on pouvait trouver dans la version collector du tome 11 japonais.
Spoil si on n'a pas lu le tome 18 : [spoiler]certains pensent sans doute que le retour de Kenji est une facilité de l'auteur. J'ai personnellement toujours pensé qu'on le reverrait car comme dans la plupart des mangas, le héros disparu fait un come-back "inattendu"![/spoiler]
Le manga a reçu le « prix de la meilleure série » au festival d'Angoulême 2004.
Joe Yabuki – Naoki Urasawa : Il y a comme une ressemblance...
Venons-en maintenant au sujet qui fâche : celui de l'adaptation de l'éditeur français, Panini. La où l'édition japonaise nous donne un sommaire dont les titres des chapitres sont des petits bouts d'idéogrammes découpés qui annoncent tout de suite l'ambiance (on peut en voir un exemple sur la page d'entrée du site japonais dont j'ai mis le lien en fin d'article) la version française se contente de lister bêtement, l'adaptation graphique « amateur » fait la part belle à d'immenses carrés blancs (principalement le titre de chaque chapitre), des tournures de phrases parfois lourdes, une édition aléatoire qui a fait perdre le fil a beaucoup de lecteurs (car on ne peut pas profiter pleinement de la série sans avoir certains éléments en tête comme c'est le cas pour la série télévisée « Lost »), et SURTOUT des couvertures horribles aux dessins psychédéliques alors que les fonds de la version originale sont soit des hommages à la conquête de l'espace, soit des hommages à la science-fiction (ce sont d'ailleurs les couvertures originales que vous trouverez ici).
Avec cette série, Urasawa reste le maître incontesté du suspense et de l'histoire à tiroirs. Il s'en tire avec une petite pirouette en renommant la série en 21st Century Boys pour le dernier arc, qui ne compte que 2 volumes. Avec une fin à la hauteur de l'oeuvre, et plus aboutie que celle de Monster.
20th Century Boys est, selon moi, d'ores et déjà un classique indispensable. L'histoire est des plus prenantes. Je n'y ai pas ressenti l'impression de passage creux comme ce fut le cas pour Monster aux environs de la quinzaine de tomes. Mais peut-être est ce dû au fait que je n'ai pas attendu aussi longtemps que les autres...
Urasawa travaille depuis quelques temps sur une nouvelle série, Pluto, série hommage au maître Osamu Tezuka et à son Astro Boy (Tetsuwan Atom).
Du même auteur : Monster (18 volumes – Kana), Pineapple Army (avec Kazuya KUDO, 1 tome, série non publiée en intégralité – Glénat).
Une série de films « live » sur le manga est prévue pour 2008 au Japon. Un site français des plus complet : la base secrète (vous y découvrirez notamment qui a inspiré le logo propre à la série)
Le site de l'éditeur japonais sur la série : ici