Kid I Luck !

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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Kid I Luck !

Message non lu par Koiwai » 25 sept. 2014, 17:26

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La fiche sur le site


Tome 1 :

Quelques mois après la fin du dynamique et très prenant Run Day Burst, Yûkô Osada revient aux éditions Ki-oon avec Kid I Luck !, série en trois volumes où il troque son habituel goût pour l'action, les courses automobiles ou les aventures farfelues pour un récit un peu plus réaliste... mais qui n'en reste pas moins survitaminé !

Kid I Luck !, c'est l'histoire de Kinjirô Yaoi, un terminale à la réputation d'enfer, puisqu'il ne pense qu'à se bastonner. Au lycée, en dehors de quelques potes, tout le monde le craint. Tout le monde, hormis son amie d'enfance, Kuriko. Depuis toujours, les deux adolescents sont plutôt inséparables, s'entendent à merveille, et ressentent sans aucun doute l'un pour l'autre un peu plus que de l'amitié, même s'ils n'ont toujours pas franchi le pas. Et pourtant, tous deux sont tellement opposés ! En effet, Kuriko, toujours gentille et patiente, est la douceur incarnée, alors que "Yaokin" est un bourrin invétéré. De même, la jeune fille adore les émissions comiques, notamment celle d'un duo comique à la mode, le "Resto Barjo", où les spectateurs peuvent montrer leurs talents comiques en rebondissant sur un thème donné. Alors que le jeune garçon, lui, a horreur de ça. Oui, vraiment, tout les oppose, mais ça ne les empêche pas d'être très proches.
Pourtant, tout va soudainement basculer de façon dramatique pour les deux jeunes gens, lors d'une fin de journée a priori comme les autres. Alors que Kuriko aimerait inviter Kin à un tournoi d'humour, notre héros préfère la laisser en plan pour, comme toujours, aller se bagarrer avec une bande rivale. Mais sitôt la baston finie, il reçoit un appel de la mère de Kuriko : sur le chemin pour rentrer chez elle, l'adolescente a été sexuellement agressée par deux hommes.
Quelques semaines passent, et Kuriko n'est toujours pas revenue au lycée. Du drame qu'elle a vécu, elles a gardé un profond traumatisme, et reste désormais constamment cloitrée chez elle, enfermée dans sa chambre, n'ayant plus aucun contact avec le monde extérieur et ne parlant plus à personne, pas même à sa propre mère ou à son ami d'enfance. Et le temps a beau passer, Kinjirô se sent coupable de ne pas avoir été à ses côtés le fameux jour. Il ne sait absolument pas comment redonner le sourire et le goût de la vie à sa si précieuse amie, à tel point qu'il a complètement laissé tomber la baston et est au bord du gouffre... jusqu'au jour où il se surprend à éclater de rire devant cette émission d'humour qu'il déteste tant ! C'est un véritable déclic : à l'instar des comiques professionnels que Kuriko aimait tant, il deviendra lui aussi un brillant humoriste, et utilisera l'humour pour rendre sa joie à la jeune fille !
Mais il y a un tout petit problème : il a un sens de l'humour déplorable !

Vous vous attendez à une série dramatique ? Ce n'est pas réellement le cas. Cette longue présentation ne fait que résumer les toutes premières pages de la série, où Yûkô Osada plante le décor vite et bien, sans insister plus que de raison sur le drame en lui-même. C'est plutôt l'après qui nous intéresse : comment se relever et retrouver la joie après un terrible drame ? L'interrogation, on ne peut plus humaine, trouve une réponse aussi enthousiasmante qu'étonnante chez Kinjirô : avec l'humour qu'il détestait tant ! Mais pour un gaillard au sens comique aussi mauvais que lui, il va falloir beaucoup persévérer, et commencer par se trouver un bon maître en humour. Il tente d'abord le coup auprès du club de comédie de son bahut, mais est méchamment rejeté par le prétentieux Moriyama, chef du club et brillant participant au "Resto Barjo". Mais pas question pour lui de laisser tomber, d'autant qu'il tombe bientôt sur Yayoi, la fille la plus timide et réservée de sa classe, dont il découvre bien vite le secret : elle est une véritable surdouée de l'humour, au point d'être la meilleure contributrice du "Resto Barjo" sous le pseudonyme de "Spaghetti Arrabbiata" ! Seulement, la jeune fille est bien trop timide pour accepter d'être son Maître, et il lui faudra tout donner pour tenter de la convaincre...

Dans un récit de ce type, on a vite fait de passer outre les quelques facilités (comme par hasard, deux des meilleurs contributeurs du "Resto Barjo" sont dans le lycée de Kinjirô) pour se prendre au jeu d'une histoire vive, rythmée, entraînante.
Au fil de ce premier volume et des premiers pas de Yaokin dans le domaine de l'humour, Yûkô Osada parvient à mettre en place avec beaucoup de talent quelques personnages secondaires qui ont vite fait de nous intéresser. Véritable génie de l'humour improvisé, Yayoi a vite fait de nous toucher et de se faire attachante, avec sa bonne bouille et sa timidité maladive qui l'empêche de révéler sa véritable identité comique. En face, on apprécie rapidement le rival qui se dessine en la personne de Moriyama, prétentieux maître en humour bien décidé à faire tomber de son trône "Spaghetti Arrabbiata" pour devenir le meilleur contributeur de l'émission "Resto Barjo". Doté d'un fort esprit de compétition, il est un "rival humoristique" qui amène beaucoup de piment, d'autant qu'il se dessine aussi peu à peu comme un potentiel "rival sentimental" de notre héros, puisqu'il est bien décide à lui-même redonner le sourire à Kuriko !

Au final, des petits enjeux très dynamiques se posent, mais ce qui se révèle également très intéressant, c'est le registre dans lequel s'exercent les personnages : l'humour improvisé, où il s'agit de rebondir en quelques mots sur une situation donnée. Que la réponse se veuille logique, totalement farfelue, décalée ou basée sur un jeu de mots débile, le seul et unique objectif est de faire rire... et pour ça, notre héros aura fort à faire ! Enchaînant les réponses désastreuses et pas drôles pour un sous, il fait plus rire pour sa façon d'être que pour ses blagues, ce qui n'est clairement pas bon pour lui. Et c'est petit à petit qu'il lui faudra apprendre les ficelles de l'humour. A ses côtés, on découvre en même temps que lui un genre d'humour intéressant, qui peut se baser autant sur le talent d'improvisation que sur l'ambiance générale, le contexte ou la façon de déclamer sa blague. Avec son ton vif et franc, Yûkô Osada parvient brillamment à nous immerger dans les spécificités de cet humour, à tel point que vous vous surprendrez sans doute à tenter de créer vos propres blagues en découvrant les différents thèmes.

Il ressort de tout cela une ambiance assez unique. Alors que l'origine de tout ceci est résolument dramatique, Osada ne tombe jamais dans le larmoyant et offre un récit enthousiasmant car forcément bourré d'humour, et où l'on reste néanmoins très touché par la verve de notre héros, déterminé à progresser malgré sa nullité en humour, dans le seul but de redonner la joie de vivre à ce qu'il a de plus cher. Le mélange d'émotion, d'humour et de positivisme raisonne alors en nous avec beaucoup de naturel et de sincérité, et trouve d'ailleurs un superbe écho en fin de tome, en croquant un parallèle à la fois frais et poignant entre les efforts de Kin pour faire rire, et la tentative de Kuriko de sortir. Toute l'atmosphère de la série est résumée dans ces quelques cases.

Dans un récit de ce genre où la découverte de certaines ficelles humoristiques est au premier plan, il est inutile de souligner la grande importance d'une traduction qui se doit d'être à la hauteur, et de ce coté-là l'édition française s'en tire avec les honneurs. On devine qu'adapter en français de l'humour typiquement japonais avec ses jeux de mots sans doute intraduisibles relève du chemin de croix, et là-dessus la traductrice expérimentée Fédoua Lamodière semble s'être vraiment bien amusée, en dénichant de nombreux jeux de mots et des idées tout à fait dans le ton de la série : franchement drôles, juste rigolos, très mitigés mais portés par l'ambiance générale, ou carrément mauvais quand Kin fait des siennes. On capte très bien les différents tons voulus, c'est du bon travail !

Au bout du compte, il semble difficile de ne pas succomber au charme de cette série enthousiasmante, qui mêle avec franchise émotion, humanité et humour. Le résultat est prenant, frais et touchant, ne fait pas forcément hurler de rire mais met beaucoup de baume au coeur, si bien qu'on ne peut que vous conseiller de le tenter !

En plus d'une très bonne traduction, l'édition française nous offre une bonne qualité de papier et d'impression, ainsi que huit pages en couleur très plaisantes.
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Re: Kid I Luck !

Message non lu par Koiwai » 11 déc. 2014, 17:58

Tome 2 :

Pour redonner le sourire à son amie d'enfance Kuriko qui a subi un profond traumatisme, l'ancien loubard Kinjiro Yaoi tente sa reconversion dans ce que la jeune fille adorait : l'humour improvisé ! Pour cela, il a convaincu la timide Yayoi, camarade de classe et reine de l'humour, de devenir son maître. Ensemble, ils s'entraînent sans relâche et participent à un club de comédie, et Yaokin a beau avoir un sens de l'humour complètement désespérant, il ne perd pas espoir, déterminé à remonter le moral de Kuriko.
Mais pendant qu'il s'engouffre inlassablement dans la voie de l'humour, qu'en pense son entourage ? En voyant Yaokin se lancer dans l'humour, les deux meilleures amies de Kuriko lui reprochent d'avoir oublié la jeune fille. Puis le passé de loubard de notre héros le rattrape de façon difficile, tandis qu'une pointe de complexe l'envahit face au talent inné pour l'humour de son ami Calbee...

Malgré tous ses efforts, Yaokin se retrouve pris en plein doute. Il a beau s'entraîner sans relâche aux côté de Yayoi et envoyer des centaines et des milliers de cartes à la radio, il sent bien qu'il ne fait aucun progrès, et doit se confronter plus que jamais aux remarques de son entourage. Dans ce deuxième volume, l'heure de la remise en question est venue, et elle est difficile pour celui qui fait tant d'efforts. A-t-il réellement oublié Kuriko comme l'affirment ses amies ? N'est-il qu'un lâche, comme le dit le chef des loubards ? N'a-t-il vraiment aucun talent pour l'humour ? Que lui manque-t-il ?

Tout ça, c'est ce qu'il devra découvrir, en retrouvant sur son chemin certaines connaissances, dont le vieil homme du club de comédie, et une star de l'humour qui va lui offrir une leçon capitale. Yaokin se confronte de face à la dureté de ce dans quoi il s'est engagé, et les coups durs qu'il encaisse ainsi que les leçons qu'il apprend seront autant d'étapes essentielles pour qu'il comprenne enfin ce qui ne va pas dans sa façon d'aborder les choses. Pour concrétiser cela, la fin du tome se consacre à un concours d'humour amateur mené tambour battant, où l'on ressent pleinement l'évolution de notre héros dans sa matière de voir l'humour et dans la naissance d'un vrai plaisir en voyant le public rire.

En toile de fond, le lecteur peut lui aussi, en même temps que Yaokin, mieux cerner les nuances et les aspects essentiels de l'humour pour qu'il soit efficace. Yaokin, lui, reste un héros profondément attachant, qui fait du mieux qu'il peut, ne lâche rien malgré sa "nullité et ses doutes, ne eprd pas de vue son objectif liée à celle qui est la plus chère à ses yeux. Quant aux personnages secondaires, ils restent toujours aussi bien campés, à commencer par Yayoi, attendrissante jeune fille dont la timidité en public est joliment compensée par une envie de bien faire, par une passion évidente, et par un intérêt de plus en plus vrai pour son "disciple".

Sans artifices, très francs, les dessins et la narration de Yuko Osada font, comme toujours, des merveilles, tant on ressent bien toutes les émotions des personnages, qui nous paraissent vraiment authentiques. Dès lors, ça fonctionne parfaitement, on oublie vite les quelques facilités (comme par hasard, Hamazaki est client de restaurant de nouilles), on se laisse happer par un récit rondement mené, et l'envie de lire la suite et fin de la série dans le tome 3 est bien là, d'autant que la dernière page envoie du lourd en faisant entrer une nouvelle donne !
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Re: Kid I Luck !

Message non lu par Koiwai » 22 avr. 2015, 16:48

Tome 3 :

A quelques jours du grand tournoi d'humour, Kinjirô a enfin compris ce qui lui manquait pour faire rire, et il peut entamer sereinement ses derniers entraînement aux côtés de Yayoi et de Calbee qui participeront avec lui... Sereinement ? Pas tout à fait. Car tandis que Morinaga fait son retour après un entraînement drastique en vue d'une confrontation conte Yaokin au tournoi, Meiji, qui a tombé le masque, est décidé à répéter la tragédie d'il y a six mois en s'en prenant désormais à Yayoi... Quant à Kuriko, meurtrie au plus profond d'elle-même, se considérant trop salie pour être digne de celui qu'elle aime, relèvera-t-elle enfin la tête ? Sortira-t-elle de son isolement ? Kinjirô parviendra-t-il à la faire rire et, mieux, à lui ouvrir les yeux ?

"Tu n'es pas curieux de savoir si le rire peut guérir les gens ?"

Toutes les réponses et conclusions arrivent dans un dernier volume mené de main de maître par un Yuko Osada toujours aussi doué. Pourtant, concrètement, l'auteur use de quelques grosses ficelles. L'intrigue sur la menace autour de Yayoi est vite éclipsée et prend un tour moins tendu que prévu, et les motivations de Meiji s'avèrent un peu basiques dans leur traitement, bien que compréhensibles. Mais le fait est que le mangaka conserve tout son sens du rythme, sa narration sans fioritures et son coup de crayon très franc qui nous happent d'un bout à l'autre pour ne plus nous lâcher, jusqu'à une dernière ligne droite qui offre toutes ses lettres de noblesse à la série. Osada s'applique à y offrir un rôle ou une porte de sortie à ses principaux personnages, que ce soit Meiji, le bad boy Kabaya, les Hamamiya, ou cette chère Yayoi dans ses sentiments et dans son rôle de maître qui s'avèrent parfaitement exposés. Mais c'est surtout notre héros qui ne manquera pas de faire rire et d'émouvoir, via des blagues faisant directement écho à ce que ressent Kuriko, pour un résultat où chacun des deux se dévoile enfin de la plus forte des manières.

Ainsi la série se termine-t-elle de la meilleure des façons, sous la plume d'un auteur qui, série après série, continue de nous bluffer et mériterait infiniment plus de reconnaissance dans notre pays.

Un sujet parfaitement exploité, des personnages excellemment bien campés, un style qui nous touche directement, pour une oeuvre touchante, humaine et positive. Kid I Luck ! s'achève en apothéose et mérite toute votre attention !
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