Shigurui

[Dear Noctis]

On retrouve exactement la même sensation dans le manga, surtout dans le tome 4 d'ailleurs : plus d'une fois, on a l'impression qu'Irako s'exalte et effectue des pas de danse en tuant. La mort, c'est son art.

C’est étrange, j’utilise à peu près les mêmes termes pour décrire Shigurui ^^ Je trouve que les scènes de violence ressemblent à de l’art. Chaque mouvement, chaque mort est magnifié. Et voir te dire qu’on retrouve la même sensation dans le manga me fait regretter de ne pas m’être déjà mise.

Merci ^^ Je pars en repérage ce mois-ci.

[Koiwai]

D'ailleurs je me demande toujours qui je préfère entre Irako et Gennosuke, tant ils sont aussi fascinants, magnifiques et effrayants l'un que l'autre. La suite fera peut-être pencher la balance, mais pour l'instant j'en doute, tant ils percent tous les deux les pages.

[Koiwai]

Tome 5 :

Trois années sont passées depuis le bannissement de Seigen Irako, qui a entamé sa vengeance en assassinant les uns après les autres les Tigres. Au fil de ces trois années, bien des choses se sont passées, comme nous avons déjà pu le voir. Mais l'auteur n'était encore revenu que très peu sur l'un de ses personnages : Mie, la fille de Kogan. Le début de ce cinquième volume s'attarde enfin un peu plus sur elle, et nous laisse béat face à la chute psychologique de la jeune fille ces dernières années. En voyant partir sa seule opportunité d'échapper un tant soit peu à son père, la demoiselle s'est mise à dépérir, sombrant dans une sorte de folie autiste mêlée de haine. La cruauté des personnages de Shigurui, Kogan en tête, n'épargne personne, et la chute de cette si charmante jeune femme ballottée depuis toujours par les frasques de son entourage en est une nouvelle preuve.

Du côté des trois Tigres restant, la situation est au plus mal, au point que Kogan en arrive à douter de ses deux plus fidèles disciples et les force à se battre l'un contre l'autre lors de l'épreuve du futawa, qui devrait définitivement prouver leur loyauté. Cruel, impétueux, à l'origine de bien des maux, Kogan Iwamoto n'épargne rien et le prouve de nouveau ici, tandis que l'on suit le duel entre Gonzaemon et Gennosuke, qui fascine, le mangaka continuant de décortiquer les gestes et les techniques dans une mise en scène comme toujours incroyable, évoquant une sorte de ballet funeste.

Ce n'est que dans les deux derniers tiers que les "choses sérieuses" reprennent : invités à se rendre chez le Kengyo Shizuhata dont ils savent pertinemment qu'il cache leur assassin, les trois Tigres s'exécutent en se doutant bien qu'un piège les y attend...
Takayuki Yamaguchi se régale, et nous régale dans la foulée, faisant apparaître le temps de quelques dizaines de pages de nouveaux personnages bien brossés, qui sont autant d'occasions pour l'auteur de mettre dans la difficulté les Tigres et de décrire avec minutie le maniement de nouvelles armes (ici, notamment, la rapière). Comme toujours le récit avance assez lentement, nous laissant profiter de la densité des dessins du mangaka, toujours portés par cette précision dans le découpage, ce trait anatomique qui ne cache rien, et ce souci des informations techniques.

On prend toujours un grand plaisir à la lecture, d'autant que la suite promet d'être encore plus intense, au vu du nouveau bouleversement arrivant dans les dernières pages.

[Koiwai]

Tome 6 :

Quand Gennosuke Fujiki reçoit une demande de duel de la part de Seigen Irako, il ne sait pas encore dans quel piège il est sur le point de tomber, et ne le comprend que trop tard quand, rendu sur le lieu du duel, il voit arriver face à lui un disciple du Kengyo, une arme à feu à la main. Pendant qu'il doit se défaire de cet adversaire avec pour seuls alliés son sabre et sa technique, Seigen et Iku se rendent chez Kogan Iwamoto, décidés à accomplir leur vengeance en abattant enfin le vieux Tigre...

Une nouvelle fois, Takayuki Yamaguchi épate dans sa façon de présenter les choses. On peut toujours, tome après tome, vanter les mérites d'une narration décortiquant avec minutie les duels au sabre autant que les états d'âme et les craintes des personnages, ou louer la densité d'un coup de crayon d'une rare précision, d'un souci du détail anatomique aussi sublime que peu ragoûtant, le tout étant de nouveau magnifié par une mise en scène inspirée, offrant au moindre instant de carnage une atmosphère toute particulière. L'expression "ballet sanglant" semble parfaite pour illustrer l'impression qui ressort sans cesse de cette oeuvre, tant cette dernière place la cruauté, l'horreur du récit, et la mort elle-même au rang d'Art.

Ces considérations passées, l'histoire de Shigurui se poursuit, implacablement, le point culminant de la vengeance de Seigen et Iku semblant devoir être atteint via leurs retrouvailles avec le terrible Kogan Iwamoto, Tigre transformé en Démon, que rien ne semble pouvoir ébranler, pas même la haine de Seigen. Face à la puissance que chacun des deux dégage, face au charisme impressionnant qui luit chez les deux combattants, le lecteur reste scotché, attendant le dénouement. Avant cela, l'auteur a su habilement préparer les choses, de la représentation musicale d'un Seigen et d'une Iku plus fascinants que jamais, jusqu'à la provocation de la jeune femme pour faire sortir le Tigre de ses gonds, en passant par le regain de santé d'une Mie dont la reprise de conscience et d'espoir laisse déjà entrevoir l'inévitable issue.

L'issue, elle arrive, implacable, dans une fin de tome qui achève de belle manière un duel incroyable, et une personnalité qui, jusqu'au bout, aura marqué en profondeur de par toute l'horreur et la fascination qu'elle aura pu provoquer. Une page se tourne dans le ballet cruel et sanglant de Shigurui, et la lecture ne perd rien en qualité.

[Koiwai]

Tome 7 :

Kogan Iwamoto a rendu l'âme, abattu par Seigen Irako lors d'un affrontement marquant. Seigen se rapproche ensuite du cruel Tadanaga Tokugawa, dont il obtient la protection, tandis que l'école Kogan est destinée à être fermée. Pourtant, tout n'est pas fini, car certains ressentent un fort désir de vengeance, à commencer par Mie, la fille de Kogan, qui demande à ce que Gennosuke affronte en duel Seigen pour laver l'honneur de Kogan.

Le duel ne commence pas encore dans ce tome, qui vise avant tout à préparer le terrain, et à nous faire percevoir les ressentiments des personnages, exercice où Takayuki Yamaguchi se montre particulièrement doué, tant il parvient à faire ressortir la volonté et les cauchemars qui hantent Mie, les ambitions et les tourments de Seigen, et, surtout, la douleur contenue et le sens de l'honneur d'un Gennosuke Fujiki que nous découvrons ici beaucoup plus, grâce à différents passages revenant sur son enfance pas comme les autres et laissant déjà entrevoir une personnalité atypique et forte, sur ce que représentait Kogan Iwamoto pour lui, et sur son indéfectible loyauté envers son défunt maître. De fil en aiguille, l'auteur met en valeur les liens entre ses protagonistes, liens passés entre les anciens frères d'armes que sont Seigen et Gennosuke, ou qui se nouent entre ce dernier et Mie. Et pour que l'immersion soit plus grande, on peut toujours compter sur les nombreux détails sur la vie de l'époque et sur les techniques des samouraïs.

Portée par cette narration toujours très descriptive, par ce coup de crayon qui sublime les corps des combattants, la lecture nous happe une nouvelle fois, et le terrain est parfaitement préparé pour un duel très attendu, qui s'annonce intense.

[Koiwai]

Tome 8 :

L'heure du duel est arrivée. Le désir de vengeance de Mie a été accepté, et sous le ciel de Kakegawa, Gennosuke Fujiki et Seigen Irako se font enfin face, pour la première fois depuis que ce dernier a perdu la vue.

L'un désire mettre fin à sa vengeance, l'autre redorer le blason de son défunt maître, et le duel au sommet de la série peut alors commencer, sous les yeux d'une foule parfois venue de loin pour voir ça.

Comme toujours, Takayuki Yamaguchi offre un travail extrêmement immersif, en nous faisant ressentir ce que les personnages eux-mêmes ressentent, qu'il s'agisse de la foule rassemblée qui voit se dérouler devant elle des techniques incroyables, des plus proches alliés des deux camps comme Mie, Gonzaemon et Iku qui tremblent devant le combat, ou les deux combattants eux-mêmes, qui, en plus d'un duel physique et technique, se livrent un véritable face à face psychologique. Qui l'emportera ? Le loyal, méthodique et perfectionniste Gennosuke ? Le fougueux, génial et parfois fourbe Seigen ?

Il faudra encore attendre pour le savoir, car ce combat de longue haleine n'est pas encore fini, mais captive constamment, car tout y est : les explications d'époque (cette fois-ci sur le système de vengeance), les détails sur les techniques utilisées par les deux combattants, le focus sur leurs doutes face à l'adversaire, la minutie extrême d'un découpage présentant méticuleusement les plus importants coups portés, et le souci du détail d'un dessin qui n'épargne rien, le mangaka allant jusqu'à présenter les coups hypothétiques en plus des coups portés, et n'hésitant jamais à représenter ses personnages dans le plus simple appareil ou "écorchés" afin de mettre en valeur toute la force physique, le souci technique et la douleur charnelle qui les occupe.

En ressort de nouveau un volume grandiose, où le duel entre ces deux génies du sabre, parfaitement décrit, captive. En les voyant à tour de rôle prendre le dessus, on a le sentiment que n'importe lequel de ces deux incroyables bretteurs pourrait l'emporter, et on attend avec impatience de voir quel sera le dénouement, tout comme on se demande bien quelle sera l'utilité du nouveau protagoniste qui apparaît au loin, dont l'allure ferait presque tache au vu de l'ambiance actuelle. Affaire à suivre.

[Koiwai]

Tome 9 :

Sous le ciel du fief de Kakegawa, le duel entre les deux anciens compagnons, Gennosuke Fujiki et Seigen Irako, se poursuit, sous les regards d'une foule médusée par la technique et la détermination des deux combattants, de force apparemment équivalente, chacun se montrant capable de prendre le dessus sur l'autre... Pourtant, au bout du suspense, l'un des deux bretteurs finit par tomber, gravement blessé... Tout est-il fini pour autant ?
Enragé par la défaite de son camarade et ami, un colosse vient se dresser face au survivant, dominé par une rage le rendant capable des pires atrocités...

Après un huitième volume intense et fascinant, le neuvième opus de Shigurui amène rapidement une conclusion à la première étape d'un duel qui est encore loin d'être fini, puisqu'un deuxième redoutable guerrier, bien différent de son camarade défait, vient faire face au survivant. Nous découvrons alors un véritable monstre impossible à arrêter car rongé par la haine, une haine le confinant dans une folie furieuse lui faisant commettre le pire, au point d'enfreindre jusqu'au code d'honneur des samouraï. Tandis que se dévoile un passé laissant entrevoir toute la monstruosité de ce visage bien connu, les tripes volent allègrement, et ce volume constitue un véritable massacre, où Takayuki Yamaguchi, plus que jamais, n'épargne rien. Mais la folie furieuse du colosse à la force herculéenne est bien éloignée de la poésie macabre découlant des techniques de Seigen ou Gennosuke, et donne dans une barbarie pure et dure, qui laisse le lecteur estomaqué.

La chute d'un monstre en réveille un plus terrible encore, et ce neuvième tome, qui se lit très vite, dépeint un personnage plus effrayant que jamais, via un travail visuel dont l'aspect gore n'a d'égal que le souci de réalisme, ce qui rend les choses encore plus écoeurantes. Ajoutons à cela une peinture des rituels d'époque toujours présente (ici, vous en apprendrez plus sur le système de renforts lors des duels), et le travail du mangaka est toujours aussi admirable. Il est alors d'autant plus dommage de le voir entaché par une qualité d'impression plus exécrable qu'auparavant.

[Koiwai]

Tome 10 :

Deux ans ! Il aura fallu près de deux ans pour voir enfin arriver en France la suite de Shigurui. Le peu de lecteurs assidus de la série avait sans doute perdu espoir, avant que Panini ne nous amène finalement sur un plateau trois tomes d'un coup, puisque ce tome 10 est en réalité un triple volume réunissant les opus 10, 11 et 12 de la plus gore et cruelle des sagas de samouraï.

C'est d'ailleurs sur un contenu on ne peut plus sordide et malsain que s'ouvre ce pavé de près de 600 pages : enragé par la défaite de son compagnon, Gonzaemon Ushimata, pris d'une rage folle, s'est dressé face à Seigen Irako, massacrant tout ce qui passe à portée de ses sabres géants. Les tripes volent de toutes parts, retouchent le sol violemment, s'envolent de nouveau au gré des techniques parfois fourbes utilisées par les deux combattants. En se basant sur son coup de crayon ultra-réaliste dès qu'ils s'agit dessiner des viscères, Takayuki Yamaguchi nous rappelle d'emblée que son oeuvre ne fait pas semblant, et nous offre ici une ambiance plus étouffante, morbide et poisseuse que jamais, sublimée par des dialogues quasiment absents. Le dessin suffit.

Entre quelques flashbacks revenant toujours plus sur les personnages, ici Seigen et Gonzaemon, le duel se poursuit et s'achève donc dans une ambiance plus sombre et violente que jamais... Mais une fois le duel terminé, le combat est-il fini pour autant ? Pas si sûr, car le colossal Gonzaemon n'est pas un humain normal : il a tout du monstre, effrayant... Quand on pense les choses finies, l'auteur en remet une couche pour le plus grand plaisir du lecteur amateur de cruauté et de personnages qui en imposent. Pourtant, il faudra une fin, et un nouveau tournant qui arrivera avec un point culminant dans l'horreur : une séance d'amputation à soulever les coeurs, car le mangaka, dans son souci de réalisme et d'ambiance, n'épargne absolument rien. Les détails et gros plans sont là, et plus que jamais, que les âmes sensibles s'abstiennent...

Devenus pauvres suite à leur défaite, Gennosuke et Mie souhaitent repartir sur des bases modestes, faire table rase du passé, mais tout le monde ne l'entend pas ainsi : l'heure est venue pour Tadanaga d'entrer réellement en scène, ne laissant pas le choix aux deux jeunes gens quant à leur destin. Après tous ces événements ayant permis de cerner pleinement les sentiments animant les personnages, l'heure du fameux tournoi présenté dans le tome 1 approche, et Takayuki Yamaguchi va alors nous proposer de découvrir différents participants et leurs motivations, au fil de différents flashbacks plus ou moins longs, parfois un peu trop longs, à l'image de celui centré sur Gannosuke, l'homme hideux à physique de crapaud. Surtout, c'est l'occasion pour l'auteur de mettre en avant des choses toujours plus extrêmes : après le coup de l'homme-crapaud qui pouvait déjà en laisser certains circonspects, voici la femme hermaphrodite, que chacun jugera différemment. Mais quoi qu'il en soit, l'ambiance reste là, le dessin conserve ses qualités, la violence et la cruauté sont partout dans l'univers de Shigurui, dont on a hâte de découvrir la fin via un dernier volume triple prévu pour février 2013.

En attendant, retour gagnant pour la série de Takayuki Yamaguchi, malgré des éléments pouvant en laisser certains circonspects, des flashbacks sur des personnages secondaires parfois un peu trop longs.

[Dear Noctis]

Bon... malheureusement, je viens d'apprendre que les tomes 1 à 8 de Shigurui n'étaient plus édités. Les trouver sera donc bien plus difficile. Pendant qu'il est encore temps je vais tenter de me procurer le 9 et le 10-11-12. Koiwai, tu es vraiment chanceux de les avoir trouvés.

[Koiwai]

Mouarf.
Bon courage pour les 8 premiers. Il arrive de temps en temps de croiser les tout premiers tomes en magasin d'occaz (bon, je n'en ai jamais vu sur Lille, par contre sur Paris oui), les plus difficiles à trouver étant les suivants (le summum étant le tome 8 que j'ai mis 2 ans à trouver à prix correct).
En tout cas, si je vois des tomes, je te tiendrai au courant