
Affaire 49: Les acteurs réunis (2ème Partie)
La police enquête sur le meurtre de l'actrice Isamu Nagakura, femme de la légende des films de samurais Kosaburo Hijikata. Tout porte à croire qu'elle aurait été assassinée par son jeune amant Hajime Okita, mais celui-ci clame son innocence. Conan soupçonne quant à lui le mari d'être le véritable meurtrier et d'avoir voulu faire porter le chapeau à son rival, mais il lui reste encore à le prouver et il n'a que très peu de temps pour cela. La mise en scène est absolument parfaite et la police est convaincue de la culpabilité d'Okita. Par chance, l'inspecteur Takagi, un des hommes de main de Megure, n'est pas encore totalement convaincu et se montre donc prêt à aider le "détective Mouri" à faire la vérité sur cette affaire avant que la police n'arrête un faux suspect.
Affaire 50: Le premier amour
En l'absence du propriétaire des lieux, Ran décide de faire un peu de ménage dans la maison de Shinichi, abandonnée depuis des mois, avec l'aide de Sonoko et de Conan. Ils reçoivent la visite inattendue d'une ancienne camarade de lycée, Asami Uchida, venue inviter le détective lycéen à sa fête d'anniversaire en compagnie de ses nouveaux amis de fac. Elle leur révèle avoir été le premier amour de Shinichi, ce qui entraîne Ran dans un complexe d'infériorité vis à vis de sa nouvelle rivale populaire et si parfaite.
Lors de la soirée, les invités finissent par se retirer pour aller au karaoké, laissant Asami se reposer dans la maison louée pour l'occasion. A leur grand effroi, la maison finit par prendre feu, Asami se trouvant encore à l'intérieur. Personne n'est alors capable d'expliquer comment ce drame a pu se produire. S'agit-il d'un accident, d'une tentative de meurtre ou bien Asami a t-elle tenté de se suicider ?
Affaire 51: La femme en noir
Une nouvelle élève fait son entrée à l'école primaire Teitan: Ai Haibara, une jeune fille assez effacée, étonnamment calme et mature pour son âge. Les amis de Conan du club des Jeunes Détectives tentent de sympathiser avec la nouvelle venue et l'embarquent dans leur nouvelle enquête: Toshiya, un de leurs camarades d'écoles, leur demande de retrouver son frère aîné qui a disparu depuis déjà une semaine. La famille ignore totalement ce qu'il est devenu et l'enquête de police n'avance guère. En se rendant au domicile du disparu, Conan acquiert la certitude qu'il ne s'agit pas d'une fugue. Toshiya leur révèle alors qu'une étrange femme vêtue de noir et ses deux acolytes s'intéressaient de près à son frère et à son talent pour la reproduction de peintures célèbres. Il n'en faut pas plus pour alarmer Conan, convaincu que le disparu s'est retrouvé impliqué dans les affaires de l'Organisation Noire et qu'il y risque sa vie.
Au même moment, les hommes en noir recherchent activement dans toute la ville une personne qui leur aurait échappé et qui pourrait constituer une menace pour l'organisation si elle venait à dévoiler leurs activités. Son élimination est devenue prioritaire.
Affaire 52: Nom de code: Sherry (1ère Partie)
Conan Edogawa découvre avec stupeur que sa nouvelle camarade de classe, Ai Haibara, est une complice des hommes en noir. Elle est la conceptrice de l'APTX-4869, le fameux poison rajeunissant responsable de l'état de Shinichi, qu'elle a elle-aussi avalé. Car "Sherry" n'est plus vraiment en bons termes avec ses anciens collègues et ces derniers veulent à présent l'éliminer. En cherchant Shinichi Kudo, elle a fini par trouver refuge chez le professeur Agasa et elle vit désormais en apparence la vie d'une simple écolière, mais elle sait que les hommes en noir la recherchent partout dans la ville et qu'ils finiront tôt ou tard par la retrouver.
Conan ne sait pas s'il peut réellement faire confiance à cette jeune fille qui prétend avoir trahie l'Organisation Noire, d'autant qu'elle reste fondamentalement une criminelle pour avoir pris part à leurs activités. Et l'attitude d'Ai ne fait rien non plus pour le convaincre de son honnêteté. Il décide néanmoins de l'accompagner avec le professeur Agasa pour aller chercher une disquette qu'elle aurait envoyé par mégarde à sa soeur, aujourd'hui défunte, et qui serait actuellement en possession du professeur Masami Hirota de l'université de Nanyo. Cette disquette contiendrait l'ensemble des données concernant l'APTX-4869 et certaines informations capitales sur l'Organisation Noire. Des informations que les hommes en noir ne voudraient surtout pas voir révélées...
A leur arrivée, Conan, Ai et Agasa découvrent le professeur Hirota mort dans sa chambre. L'enquête de police doit déterminer s'il s'agit d'un accident ou d'un meurtre. Mais, à mesure de l'enquête, Conan s'aperçoit de la présence des hommes en noir. L'espoir perdure: ils n'ont pas encore pu récupérer la précieuse disquette. Une partie décisive va se jouer dans l'ombre de cette nouvelle affaire...
Commentaires
Les fans de Détective Conan savent combien ce tome 18 est d'une importance capitale dans la mythologie de la série. 17 tomes déjà que notre jeune détective résout les affaires criminelles et jusque là il n'avait jamais réussi réellement à mettre la main sur les hommes en noir responsables de son état. Depuis les deux premiers tomes, l'intrigue principale n'a guère avancé et les lecteurs pouvaient commencer à craindre que Gosho Aoyama ne finisse par laisser sa série s'installer dans le statut-quo.
Ce tome 18 vient mettre fin à cette longue attente et, pour récompenser notre patience, il nous réserve du lourd. Conan parvient donc à retrouver la trace des hommes en noir, mais la grande surprise c'est surtout de voir comment l'auteur a choisi d'aborder ce rebondissement tant attendu. Loin de se laisser aller à la facilité, la série décide de se réinventer et de relancer carrément son intrigue principale sur de nouvelles bases, comme si tout ce qui avait précédé n'était finalement qu'un simple prologue. Comme on va le voir, cela va permettre à l'intrigue principale de décoller enfin réellement, mais cela va aussi amener une nouvelle ambiance de thriller qui va dominer le reste de la série. On peut dire en connaissance de cause que tous les enjeux de la série et tout les événements importants qui arrivent par la suite reposent en grande partie sur les rebondissements et sur les révélations abordés au cours de ce tome et du suivant. C'est dire l'importance de ces deux volumes qui se trouvent au coeur même de la mythologie Détective Conan et à partir desquels toute la suite de la série découle. Gosho Aoyama voulait réussir un véritable tour de force et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il a amplement réussi son coup !
Ce qui est fascinant, c'est de voir comment l'auteur construit son intrigue et installe discrètement les éléments préparant son grand rebondissement. A priori, quant l'intrigue commence, rien ne sort véritablement de l'ordinaire à part l'introduction d'un nouveau personnage, la jeune écolière Ai Haibara, dont rien ne permette encore de soupçonner l'importance primordiale qu'il va avoir sous peu. Finalement, à part l'introduction de ce personnage, rien qui ne sorte vraiment de l'ordinaire: la nouvelle affaire commence tout à fait normalement. Et pourtant, discrètement, on sent qu'il y a bien quelque chose de différent, que la nouvelle venue a des attitudes pour le moins étranges, et finalement on la voit exactement comme les autres personnages voient Conan: comme un enfant un peu bizarre, plus mature que la majorité des autres enfants, mais rien qui n'attise vraiment nos soupçons. En arrivant à nous faire penser ça, Gosho Aoyama a déjà gagné: il est arrivé à nous faire tomber dans son piège et il peut dès lors travailler la dimension cachée de l'intrigue sans éveiller davantage nos soupçons.
Il faut du talent pour arriver à tromper son lecteur avec une telle habileté et l'auteur n'en manque assurément pas. Il suffit de voir comment il maîtrise sa narration pour arriver à nous plonger au coeur des enjeux de cette intrigue et au plus près de ce que peut ressentir Conan. Dès l'instant où la présence des hommes en noir est évoquée, on sort du contexte initial d'une "simple affaire" et les enjeux deviennent beaucoup plus importants dans notre esprit. Et à partir de là, tous les rebondissements que l'auteur amène par la suite fonctionnent totalement: les ennemis sont surestimés, la déception de Conan est partagée par le lecteur à la fin de l'affaire et la tension retombe brutalement... avant de se rallumer de plus belle lors de cette scène magistrale où l'auteur finit par retourner contre toute attente ses cartes et prend littéralement le lecteur de court. On s'aperçoit tout d'un coup qu'à l'image de "la petite menteuse" avec Conan, l'auteur nous a complètement piégé et le péril ressenti est alors plus intense que jamais. C'est franchement remarquablement amené: tout est maîtrisé, tout fonctionne et ce rebondissement nous prend tellement par surprise que ce moment constitue certainement l'un des plus grands chocs jamais ressentis en lisant un manga.
Cette réussite doit bien sûr énormément au personnage d'Ai Haibara, aussi fascinant que déroutant. Dès l'instant où elle se dévoile, on découvre un tout autre personnage qui se révèle extraordinairement riche en terme de caractérisation. Son background est déjà bien solide et intrinsèquement lié à de nombreux événements déjà survenus au cours de la série. Elle partage avec Conan son sort, mais elle est aussi et surtout la personne à l'origine de nombre de ses déboires et cela crée d'office une alchimie particulière entre les deux. Le coup de maître de l'auteur, c'est de nous avoir présenté d'office ce personnage dans son ambiguité extraordinaire. La scène de sa révélation est certainement l'une des plus flippantes et des plus mémorables de la série avec un personnage incroyablement inquiétant. Et puis finalement, ultime rebondissement, on découvre son humour particulier, très sarcastique, et sa fâcheuse tendance à dramatiser les situations pour souligner leur absurdité. On sent que c'est un personnage qui a un vécu très sombre et que cela a forgé son narcissisme. En apprenant à la découvrir, on réalise que c'est la seule manière par laquelle elle arrive à communiquer avec les autres tout en se protégeant, dissimulant sa vulnérabilité.
Cette vulnérabilité, on la ressent dans sa nature même qui est contradictoire. Toute sa vie, Ai a été à la fois victime et bourreau. Endoctrinée dès son plus jeune âge, elle s'est rendue complice d'innombrables crimes effroyables et elle ne semblait pas préalablement en avoir jamais fait cas. Et pourtant, à travers sa dépression, on peut comprendre sa souffrance et l'ampleur du dégoût qu'elle s'inspire. Se voyant comme un monstre, traquée par ses anciens complices qui veulent l'éliminer, la jeune fille traverse une crise existentielle et, dans son désespoir, affiche des penchants suicidaires contre lesquelles elle va devoir lutter. Sa relation avec Conan, de nature complexe, va apporter au personnage le support émotionnel nécessaire pour s'épanouir progressivement dans sa nouvelle vie, devenant plus sociable, et pour trouver en elle la force d'affronter ses vieux démons. Mais il leur faudra pour cela lutter ensemble pour surmonter sa dépression et triompher de l'emprise des hommes en noir sur son existence afin qu'elle puisse enfin se reconstruire. A travers l'humour et cette relation unique, l'alchimie entre Conan et Ai est assurément l'une des plus fortes de la série et le personnage d'Ai Haibara est de manière générale l'un des plus beaux que Gosho Aoyama ait crée à ce stade, étonnamment complexe et d'une formidable ambiguité.
Il se passe donc énormément de choses dans ce tome 18. Mais au-delà de cette évolution majeure de la série, il nous réserve aussi d'autres surprises. Et cela commence dès le début du tome avec l'arrivée surprenante d'un personnage tout droit tiré de l'animé: l'inspecteur Wataru Takagi. Crée à l'origine pour donner un visage aux hommes de main de Megure, l'auteur Gosho Aoyama a donc décidé de reprendre ce personnage dans son manga. Son introduction se fait dans la continuité de ses apparitions dans l'animé, traitant le personnage comme s'il travaillait déjà avec Megure auparavant. Il faudra attendre encore quelques tomes avant que l'auteur ne s'empare vraiment du personnage et ne le remodèle pour lui donner l'importance qu'il a actuellement dans la série. Par son apparition, on sent déjà l'intention de Gosho Aoyama de développer davantage l'entourage de Megure, ce qui va aboutir sous peu à l'apparition de la fameuse brigade Megure (les inspecteurs Takagi, Sato, Shiratori et Chiba) que l'on aura l'occasion de croiser régulièrement dans de nombreuses affaires.
Pour le reste, les enquêtes présentées dans ce tome sont dans l'ensemble réussies et forts sympathiques. Les deux premières affaires ne sont pas directement liées à l'intrigue principale, mais la deuxième permet de creuser un peu plus la relation entre Shinichi et Ran et d'installer quelques jalons dans la continuité des événements du tome 14 (où Ran commençait à soupçonner la véritable identité de Conan). Cela donne lieu à une très belle scène où, en son absence, Ran et Sonoko discutent de cet attachant garçon à lunettes un peu étrange. Les deux affaires suivent, quant à elle, ont été conçues pour fonctionner à la fois de manière autonome et dans le contexte de l'intrigue principale, ce qui est encore une fois un bel exemple de réussite de la part de l'auteur.
On peut réellement dire que c'est ce tome qui a crée Détective Conan tel qu'on le connait aujourd'hui, celui qui donne tout son sens à la série et qui la rend plus prenante et addictive que jamais. C'est vraiment l'un des tomes que tout fan de Détective Conan doit avoir dans sa collection, un incontournable de la série. Au-delà de ça, il vaut aussi le coup par la maîtrise incroyable de la narration dont Gosho Aoyama fait preuve dans les deux dernières intrigues et par l'ambiance de thriller naissante du titre (l'arrivée d'Ai Haibara change complètement le statut-quo, notre jeune détective et sa nouvelle alliée étant désormais traqués par les hommes en noir ce qui change complètement la dynamique de la série). Plus qu'une apogée de la série, on tient là la naissance d'un véritable mythe du manga !
Verdict: Excellent (19/20).