Goggles

Rubrique consacrée aux seinen, c'est à dire des séries se destinant à un lectorat adulte.
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Koiwai
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Goggles

Message non lu par Koiwai » 10 oct. 2013, 21:19

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La fiche sur le site


Remarqué en France et en Belgique avec la parution d'Undercurrent qui reçut à son époque de nombreux prix dans ces deux pays, Tetsuya Toyoda nous revient enfin en France avec un recueil de six nouvelles nommé Goggles, du nom de la nouvelle qui a lancé sa carrière d'auteur de manga en lui offrant le prix 4 Saison de Kôdansha.

La première nouvelle du recueil, nommée « Slider » et publiée en janvier 2008, nous propose, le temps d'une petite soixantaine de pages, de suivre les aventures de trois laissés pour compte : un chômeur, et intérimaire fauché et un écolier qui, un jour, découvrent dans une maison abandonnée une vieillard qui n'est autre que le dieu de la misère ! Décidé à se venger de ceux qui ont fait de lui ce qu'il est devenu, le chômeur Kôhei, accompagné de ses deux camarades, embarque le vieillard pour le présenter au fils prétentieux du patron du pachinko où il a l'habitude d'aller, puis au directeur de l'usine qui l'embauchait autrefois avant de le virer. Sous couvert d'humour et d'une pointe de fantastique tout juste esquissée, Tetsuya Toyoda dresse un petit portrait assez lisse mais criant de vérité sur le monde du travail et sur la manière dont les hauts placés, tel le directeur de l'usine, utilisent les personnes les plus modestes comme Kôhei. Du fait des quelques années de la nouvelle, les dessins restent assez simples, mais déjà portés par une mise en scène posée et des personnages à l'expressivité subtile.

Parue en avril 2011, la nouvelle « Mr, Bojangles » nous fait retrouver le détective privé Michio Yamazaki, déjà présent dans Undercurrent. Cette fois-ci, le détective part sur la trace d'un vieil homme qui se fait surnommer Mr. Bojangles, sur demande de sa cliente, une jeune femme qui a été marquée par ce gentil homme dans son enfance, et qui souhaiterait l'inviter à son mariage. De fil en aiguille, au gré de quelques rencontres, Yamazaki est amené à retracer les grandes étapes de la vie de cet homme. Se dresse alors le portrait d'un homme qui a connu des drames que tout le monde peut vivre et qui a cherché le réconfort comme il le pouvait, par exemple en s'occupant de fillettes lui rappelant sa propre enfant, tout en restant profondément énigmatique et quasiment insaisissable. Le ton est posé et réaliste, les dessins plus aboutis, et en seulement 26 pages, cette nouvelle se dresse comme un petit bijou d'émotion retenue.

Parue en septembre 2003, la nouvelle « Goggles », en plus d'offrir son nom au recueil, est aussi celle qui a permis à Tetsuya Toyoda de remporter le prix 4 Saisons de Kôdansha et de lancer sa carrière d'auteur de manga. On y retrouve Kôichi, l'intérimaire de « Slider », à une époque où, déjà fauché, il vit chez un dénommé Murata. L'histoire commence alors que Murata a recueilli une fillette d'une dizaine d'années, Hiroko, et qu'il a chargé Kôichi de s'en occuper pendant son absence. Seulement, Kôichi ne sait pas trop comment s'y prendre avec Hiroko, qui ne dit jamais rien, ne change jamais de vêtements, et ne se sépare jamais d'une paire de lunettes de protection fixées constamment sur ses yeux et qui constitue son plus cher souvenir de son grand-père décédé. Faisant du mieux qu'il peut, sans insister, Kôichi finit peu à peu par apprendre le parcours familial chaotique de la fillette qui l'a amenée à se replier sur elle-même.
Sur un ton calme, quasiment nonchalant et un rien mélancolique, le mangaka livre une histoire d'une petite soixantaine de pages tout en sensibilité et en délicatesse, qui soulève avec une émotion retenue le drame d'une fillette qui est la première victime des échecs sentimentaux et professionnels de ses parents, et où seule la présence de son grand-père était une consolation. Alors que la petite ne dit pas un mot, on se surprend à s'attacher tout naturellement à elle, tant le ton est juste. Et bien que la dernière page achève la nouvelle sur une petite note d'optimisme, c'est bien le ton réaliste qui l'emporte, soulevant avec beaucoup de subtilité un problème de société loin d'être rare. Du côté des dessins, malgré les doutes que le mangaka émet dans sa postface, on a droit à une œuvre de jeunesse qui visuellement a très bien vieilli, et qui excelle dans les expressions des visages, tout en nuances. Tout simplement, le nouvelle « Goggles » est un bijou, qui justifie à elle seule l'achat du recueil.

Publiée en janvier 2007, la nouvelle « Nouvelles acquisitions à la bouquinerie Tsukinoya » s'ancre dans un projet paru dans un numéro spécial du magazine « Hôsho Gekkan » ayant pour thème les livres d'occasion. Le temps de seulement deux pages, Tetsuya Toyoda nous propose d'y retrouver les personnages d'Undercurrent s'ils étaient devenus bouquinistes ou disquaires. Appuyée par une petite note finale humoristique, cette très courte nouvelle n'a d'intérêt que si vous connaissez Undercurrent. Et si vous n'avez jamais lu ce dernier, voici une lacune à combler de toute urgence !

S'étalant sur 26 pages, « Aller voir la mer » est une préquelle de « Goggles » publiée en novembre 2012, qui nous croque l'un des petits instants de bonheur de Hiroko en compagnie de son grand-père. Le temps d'un petit voyage en Desmo jusqu'à la plage, Tetsuya Toyoda nous invite à découvrir une Hiroko plus souriante, riant même aux éclats, tout en croquant de manière aussi limpide qu'évasive la mer. Un petit instant de bonheur fugace comme il en existe tant dans une vie, et qui complète à merveille « Goggles », tout en laissant le temps au grand-père de revenir sur la manière dont il a éduqué sa fille, la mère de Hiroko.

Parue en octobre 2012 la sixième et dernière nouvelle, nommée « Tonkatsu », nous invite à suivre pendant 46 pages des vies qui, quelques part, se ressemblent. Chiaki Fuwa est chargée d'aider un ancien employé de la banque où elle travaille, Mr Sakai, à retrouver un restaurant de tonkatsu où il allait souvent manger autrefois. Entre deux recherches, la jeune femme déjeune également avec son frère, qui connaît quelques problèmes dans son travail lié au milieu de l'édition, et aimerait également que sa sœur viennent à la cérémonie commémorant les deux ans de la mort de leur père. De fil en aiguille, au gré des recherches du tonkatsu, les problèmes familiaux et professionnels de chacun des trois principaux protagonistes sont soulevés, et à l'arrivée, chacun tirera des leçons de ses rencontres et de ses erreurs passées. Le ton est toujours aussi posé, bien que ponctué de quelques notes d'humour et d'une légère pointe de mélancolie autour du passé de Sakai. Une jolie manière de refermer le recueil, qui se boucle ainsi sur une histoire regroupant tous les thèmes chers à Toyoda : les problèmes familiaux et professionnels, ainsi que les errances et regrets plus personnels, tout juste esquissés.

Le retour en France de Tetsuya Toyoda est donc gagnant. On y retrouve toute la subtilité d'un auteur qui aborde ses thèmes de prédilection avec toujours autant de finesse que dans Undercurrent. Un recueil de très bonne facture, dont on aurait tort de se priver, d'autant que l'édition offerte par Ki-oon est très satisfaisante, avec une bonne qualité d'impression et une traduction sans fausse note.
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Coco Felken
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Re: Goggles

Message non lu par Coco Felken » 14 oct. 2013, 16:01

D'accord sur le fond, et je reviendrais sans doute pour en dire un peu plus bientôt.

Par contre, léger détail concernant l'édition : je trouve que 14€, c'est un peu cher payé pour, finalement, 280 pages, aucune couleur, et une couverture souple (sans jaquette). Finalement, l'édition ne possède pas vraiment plus d'atouts que celle d'Undercurrent, qui était à 12€50 il me semble. Et je trouve que 12€50, c'est le juste prix pour ce genre de format. 14€, c'est un peu trop. C'est aussi ce qui fait que je n'achète pas Bride Stories et Emma dans cette collection. Je trouve le rapport qualité/prix vraiment pas terrible.

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Re: Goggles

Message non lu par Koiwai » 14 oct. 2013, 17:18

J'avoue que je n'ai pas fait gaffe au prix quand je l'ai acheté ^^"

Sur le coup je n'ai pas été choqué dans la mesure où c'est dans la lignée des formats et prix de la collection Ecritures de Casterman (donc format plus grand qu'Undercurrent), Pourtant, je l'avais été pour Bride Stories qui m'avait effectivement choqué niveau rapport qualité/prix tant la qualité d'impression était médiocre. Là c'était vraiment du 14€ pour 200 pages moyennement imprimées, outch).
Pourtant, Goggles c'est pas franchement mieux, avec ses 230 pages (pas 280, ni 250 comme indiqué sur la fiche sur le site) et sa qualité d'impression bonne sans plus. Donc ouep, le rapport qualité/prix peut faire un peu tiquer.
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Coco Felken
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Re: Goggles

Message non lu par Coco Felken » 15 oct. 2013, 07:58

Va savoir pourquoi j'ai pensé 280... Du coup, la question ne se pose plus pour 230 pages. :D

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