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Tome 1 :
Trois siècles avant notre ère, Rome continue d'étendre son territoire vers le sud, mais se confronte depuis déjà une vingtaine d'année à la solidité de l'armée carthaginoise, emmenée par Hamilcar Barca. Mais la lutte finit par tourner à l'avantage de la République Romaine quand, en -241 en Sicile, celle-ci parvient à prendre le dessus sur son ennemi Hamilcar, sous le syeux de son propre fils, le jeune Hannibal, six ans. Marqué à vie par le spectacle de cette guerre, l'enfant entretient pour Rome une haine farouche jusqu'à atteindre l'âge adulte et à prendre les commandes de l'armée carthaginoise, avec laquelle il est bien décidé à marcher sur la République. Ses premiers grands pas vers son objectif marqueront sa rencontre avec celui qui sera son plus brillant ennemi : Scipion l'Africain, contre lequel il mènera l'une des plus grandes batailles stratégiques de l'Histoire.
Surfant sur leur nouvelle veine de séries à vocation historique, les éditions Ki-oon ont profité du Salon du Livre 2014 pour lancer Ad Astra, non sans comparer cette série par certains égards à Cesare, le plus historique des mangas de l'éditeur. Il faut toutefois arrêter la comparaison ici, car là où Cesare a réellement une vocation historique poussée et détaillée, Ad Astra, comme l'avoue dans sa postface le jeune auteur Mihachi Kagano, a pour fonction première le divertissement et ne s'applique pas forcément à retranscrire avec précision et fidélité totale le conflit qui a animé la 2nde Guerre Punique. Si les grands faits sont respectés, à l'image de la très célèbre traversée des Alpes à dos d'éléphant, en fouinant plus en détails on peut dénicher nombre d'approximations et de petits raccourcis, ce dont l'auteur, humble, ne se cache absolument pas.
Les qualités ne seront donc pas à chercher du côté de la retranscription historique, mais plutôt dans le focus porté sur les deux importants personnages historiques que l'auteur reprend : Hannibal Barca du côté de Carthage, et Scipion l'Africain du côté de Rome. Deux des plus grands stratèges de l'histoire de l'humanité, qui furent amenés à s'opposer par la force des choses. Deux figures que Mihachi Kagano s'applique à bien mettre en place et à rendre très charismatiques dans ce premier volume qui en fait toutefois un peu trop dans sa première partie. En effet, cette première partie insiste, presque lourdement, sur les qualités qui ont animé ces deux grandes figures dès leurs plus jeunes années.
Du côté de Scipion, on assiste avec intérêt à quelques tours de passe-passe et quelques aisances oratoires qui confirment la brillance de son esprit, mais on pourra rester un peu irrité par son côté un peu trop poseur et par la façon dont beaucoup de monde s'émerveille déjà sur lui.
C'est pire du côté de Hannibal, qui, dès ses premières années de vie, bluffe tout le monde, notamment dans un passage où, à seulement six ans, il analyse à la perfection et dans un vocabulaire très adulte et impeccable une situation de conflit très délicate. Ces capacités, il les doit à son statut quasiment divin, l'auteur choisissant de concrétiser le mythe selon lequel Hannibal serait un "héritier" du dieu Baal (d'où son nom). Cela pourra paraître too much à certains, mais cela a le mérite d'accentuer le charisme presque fascinant du personnage, en plus de laisser entrevoir l'importance que pouvaient avoir, à cette époque, les mythes liés aux divinités.
Si ces débuts assez exagérés vous rebutent, on vous conseille toutefois de poursuivre votre lecture, cet aspect s'estompant assez rapidement et n'ayant en réalité servi qu'à poser avec force les deux personnages centraux de la série.
Suite à cela, la série commence alors réellement à entrer dans le vif du sujet, Hannibal se mettant en route pour aller marcher sur Rome, non sans démontrer sur son chemin tous ses talents. Il y a la célèbre traversée des Alpes en éléphant, bien sûr, mais également une belle mise en valeur du sens oratoires de Hannibal qui parvient à se faire des alliés gaulois, et une première bataille où une habile ruse lui permet de piétiner ses adversaires.
En face, Scipion est encore assez discret, mais dévoile déjà tout son sens stratégiques en réussissant à percer à jour certaines stratégies de son adversaire. Pour se dévoiler pleinement, il lui faudra sans doute assister à un bouleversement aussi fort que celui qu'a vécu Hannibal à six ans. Et ce bouleversement prend forme à la fin de ce premier tome, ce qui annonce forcément une suite du tonnerre.
Pour son tout premier manga, Mihachi Kagano offre un rendu visuel bourré de promesses. On peut noter pas mal de petites erreurs de jeunesse, des petites irrégularités et choses un peu lisses (comme les visages de profil), mais son trait, surtout au niveau des visages, des barbes et des animaux, se veut déjà assez dense, parfois presque photoréaliste sur les expressions faciales, et laisse penser qu'une grosse marge de progression est possible. En tout cas, pour une première série, ca tend à taper vers le haut du panier.
Par contre, si vous vous attendez à du grand divertissement d'action, pour l'heure il faudra prendre son mal en patience. Les choses passent avant tout par les dialogues, par les confrontations oratoires des personnages et par leurs interrogations sur les stratégies de l'ennemi. l'action est donc pour l'instant limitée à quelques scènes courtes, bien découpées mais pas spécialement intenses.
Ce premier tome pose des bases solides, certes un peu maladroitement, mais avec force, en annonçant du très bon pour la suite. La rencontre entre des Hannibal et Scipion encore jeunes venant à peine d'avoir lieu, leur véritable opposition ne devrait commencer réellement que dans le prochain volume, ce qui laisse présager une suite autrement plus intense !
Comme toujours, l'édition de Ki-oon est impeccable : première page en couleur, excellente traduction... et la postface humble et passionnée de l'auteur confirme qu'on a là une série à surveiller.