Message non lu
par Drazorback » 09 juin 2008, 23:17
Je débute Takahashi par Blue Heaven...
Et je dois dire que cette lecture est véritablement une bonne surprise. Des personnages aux psychologie travaillées, ça change. Avec l'idée d'ailleurs que le conditionnement est ce qui fait l'homme, ça change de l'explication par l'hérédité génétique ou par l'inné... Les thèmes abordés sur un récit aussi court (à peine plus de 2 tomes vu que la majeure partie du tome 3 est consacrée à des nouvelles de l'auteur) sont assez larges: ségrégations raciales (suspicions à l'écart des passagers asiatiques) et sociales (défiance de la part du milliardaire à l'égard des pauvres), comportements humains en huis clos, importance des statuts sociaux (l'hôtesse qui se veut souriante juste parce que sa fonction le nécessite).
Une sauvagerie assez bien contrôlée, un trait vraiment classieux. Un côté assez rough, un chara design soigneux qui évite à la fois la surenchère de détails pour distinguer les personnages et le passe-partout. Contrairement à ce qui a été dit, je trouve justement que le dessin n'insiste pas particulièrement sur la représentation de la violence: juste assez pour conférer au manga une ambiance réaliste. On est pas dans le gore ou le trash, loin de là. Certes le format étant assez court, les scènes de massacre sont assez condensés, mais cela ne cherche jamais à être choquant (pas de scènes de torture ou de représentation de cadavres défigurés par exemple).
D'un point de vue purement technique, l'histoire a pour mérite de ne pas avoir de héros, il s'agit d'une histoire à plusieurs voix. Ce qui n'est pas si courant dans le domaine du manga. Il est donc impossible de s'identifier -à priori- à qui que ce soit. Le lecteur suit l'histoire de l'extérieur, avec son propre point de vue. Aucun manichéisme, ne serait-ce que parce que le camp des bons, de ceux qui défendent des valeurs majoritairement approuvé, est minime et secondaire dans l'avancement de l'intrigue. Le final débouche d'abord sur une sorte d'impasse, une non prise de position.
[spoiler]Si ce n'est une étrange métaphore entre le comportement de Leng sur le Blue Heaven et l'utilisation de la bombe atomique sur Terre. Il est d'ailleurs assez troublant de remarquer que le Blue Heaven est à plusieurs reprises comparé à une version miniature de notre planète bleue (l'ironique Blue Heaven?). Peut être donc que la non-issue serait une sorte de dénonciation de la bombe A ou de toute forme de destruction. Il est d'ailleurs assez amusant de voir plusieurs références faites au 11 septembre, au terrorisme (pourquoi le choix de ce terme pour qualifier Leng, après tout) et de voir comment Lau essaie d'endoctriner idéologiquement les American-européens contre les Asiatiques (on peut penser au choc des cultures avancé par Samuel Huntington, en extrapolant). Blue Heaven pourrait donc être une oeuvre à double sens: une analyse psychologique de l'être humain en conditions spécifiques mais aussi une fable contre la nouvelle forme de guerre, la fameuse War On Terror prônée par les dirigeants Américains.[/spoiler]
Bref, un auteur qui me semble digne d'être l'objet d'un approfondissement de l'intégrale de son oeuvre (et vue le nombre de volumes sortis en France, ça sera plutôt rapide).
"Je m'affirme moi même",
Toshi-Mon The World Is Mine